"Il y aura un long débat sur le chèque que doit faire le Royaume-Uni à l’Union européenne, parce que 60 milliards d’euros est une somme d’argent considérable", prévenait Christian Kern sur Bloomberg, fin février. Près de dix mois plus tard, les anticipations du chancelier autrichien sont plus que jamais valables. Enlisés dans des négociations difficiles, Royaume-Uni et Union européenne ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce que devra régler le pays au titre du Brexit, alors que s’ouvre jeudi à Bruxelles un Sommet européen focalisé sur cette question.
60 milliards d’engagements britanniques ? Pour l’Union européenne, l’enjeu de ce rendez-vous est de rester ferme sur ces 60 milliards d’euros demandés à Londres. Mais à quoi correspond ce montant ? Les Vingt-Sept estiment que cette somme correspond aux divers engagements financiers du Royaume-Uni en matière de satellites, d’agriculture, d’aide aux régions… Des engagements qui tiennent jusqu’en 2020, décidés bien avant le référendum britannique de juin 2016.
Un chiffre "lancé au hasard". Sauf que Theresa May, accompagné de son ministre du Brexit David Davis, ne l’entend pas de cette oreille. À leurs yeux, ces 60 milliards d’euros sont surévalués. D’abord parce que leurs compatriotes ne devraient pas bénéficier des apports des programmes européens en 2020, sachant que le Brexit théorique intervient en mars 2019. Ensuite, ils regrettent aussi un chiffre "lancé au hasard", comme l’a déclaré David Davis au Figaro, jeudi : "Nous sommes en train d’évaluer nos engagements financiers sur le plan technique. Nous prendrons ensuite un jugement politique réaliste", met-il en garde.
"Des clopinettes". A ce jour, le Royaume-Uni propose de régler une facture de 20 milliards d’euros, trois fois moins que les demandes de l’Union européenne. "Des clopinettes", selon Antonio Tajani : "Le problème se situe plus autour de 50 ou 60 milliards, c'est ça la réalité", a récemment corrigé le président du Parlement européen pour mettre la pression sur Londres. Des estimations qui seraient même largement sous-estimées, à en croire le journaliste du Financial Times, Alex Barker, qui s’est longuement penché sur la question en mai dernier : selon lui, la facture pourrait s’approcher des 100 milliards d’euros.
Des négociations très compliquées. Et les deux parties ne sont même pas d’accord sur le sens à accorder à ce chèque. Quand les Britanniques estiment que cela comprend une adhésion à venir au marché unique, donc à des échanges moins taxés entre les deux côtés de la Manche, les membres de l’Union européenne y voient au contraire un préalable avant la deuxième phase des négociations sur la relation qu’elle entretient avec le Royaume-Uni. Une deuxième phase au point mort à l’heure actuelle : selon le négociateur en chef du Brexit pour l’UE, Michel Barnier, aucune "percée" significative n’est a priori possible lors du Conseil européen de jeudi et vendredi.