C’est un phénomène inédit par son ampleur : depuis le début de la semaine, dans une station-service française sur cinq, le prix du gasoil à la pompe dépasse celui de l’essence. Alors que le gouvernement promet un début harmonisation des prix de ces deux carburants pour 2020, cet objectif a été atteint avec plus d’un an d’avance. Cette hausse va-t-elle perdurer ? A quoi faut-il s’attendre dans les prochains mois ? Les prochaines années ? Eléments de réponse.
Un phénomène ponctuel…
Depuis le début de l’année 2018, la hausse du prix du gasoil s’explique en grande partie par le vote d’une nouvelle taxe frappant davantage ce carburant (+ 7 centimes) que l’essence (+ 4 centimes). Mais malgré cette taxe, il y a seulement 15 jours, l’écart était encore de près de dix centimes le litre entre l’essence et le diesel, en faveur de ce dernier. Comment expliquer ce bond soudain pour le diesel ? Il s’agit en réalité d’une hausse des tarifs hors taxe, qui ne devrait pas être amené à durer très longtemps.
"Cela reste un phénomène ponctuel", tempère ainsi Pascal Pennec, journaliste à Auto+, interrogé par Europe 1. Et d’expliquer : "C’est relativement normal qu’à l’entrée de l’hiver, le prix du gasoil augmente plus que l’essence. Les gens font le plein de fioul domestique et cela fait augmenter le prix".
… Bientôt accompagné d’une hausse plus durable
Pascal Pennec hésite pourtant à parler "d’épiphénomène". Car si les causes de la hausse de ces derniers jours sont ponctuelles, elles risquent de s’accompagner d’un phénomène plus durable. Car les taxes vont bel et bien augmenter progressivement, et très vite. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit ainsi une hausse de la fiscalité de 6,5 centimes le litre sur le diesel et de 2,9 centimes sur l'essence dès janvier prochain.
" Le diesel était simplement apprécié parce qu'il était beaucoup moins taxé que l'essence, donc beaucoup moins cher "
Et d’ici 2022, l’Ufip, l’union des industries pétrolières, prévoit une hausse des taxes de 30 centimes le litre pour l’un et 15 centimes pour l’autre. Objectif affiché du ministère de la Transition énergétique : parvenir à un gasoil et une essence à prix équivalent, autour de 78 centimes le litre d’ici quatre ans.
Le prix du baril continue lui aussi d’augmenter
En outre, cette hausse de la fiscalité devrait s’accompagner, selon toute vraisemblance, d’une hausse du prix du pétrole (qui affectera autant le diesel que l’essence). Fin septembre, le prix du baril dépassait en effet la barre des 80 dollars (69 euros), le plus haut de ces quatre dernières années. Et ce n’est pas fini : à cause notamment de l’embargo américain sur l’Iran, de la chute de la production au Venezuela et d’une incapacité des Etats-Unis à combler les manques, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit "un retour de l’énergie chère" au moins jusqu’à fin 2019.
"Le diesel était simplement apprécié parce qu'il était beaucoup moins taxé que l'essence, donc beaucoup moins cher à la pompe", commentait début octobre Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research (CAR), cité par l’AFP. Avec les hausses à prévoir, le vent risque bien de tourner pour l’ancien carburant préféré des Français.