La cour d'appel de Paris a confirmé jeudi que ces industriels s'étaient bien rendus coupables de pratiques anticoncurrentielles et a prononcé des amendes s'élevant à quelque 39 millions d'euros au total, selon l'arrêt consulté par l'AFP. Cette sanction est plus de deux fois inférieure à celle de 93 millions d'euros au total infligée le 16 juillet 2020 par l'Autorité de la concurrence à ce "cartel", pour des faits commis entre 2010 et 2013.
Dans sa décision, la cour d'appel a mis "hors de cause" plusieurs entreprises concernant l'une des trois pratiques d'entente reprochées et estimé que la participation d'autres sociétés était "amoindrie dans sa durée". "Le montant des sanctions pécuniaires infligées est réduit en conséquence", explique la juridiction dans un communiqué.
La coopérative bretonne Cooperl, leader français de la production porcine et qui avait été la plus lourdement sanctionnée par l'Autorité de la concurrence (35,5 millions d'euros), est condamnée en appel à 13 millions d'euros d'amende.
Cooperl "prend acte" de cette décision et "de la réduction exceptionnelle de l'amende qui lui a été infligée", a indiqué l'entreprise. Mais la coopérative, qui se dit victime de "fausses accusations", va "se pourvoir en cassation pour obtenir la reconnaissance de sa parfaite innocence", a-t-elle annoncé dans un communiqué.
"Difficultés financières particulières"
La cour d'appel a notamment pris en compte "les difficultés financières particulières dont justifie le groupe" Cooperl pour réduire la sanction. Les magistrats ont rejeté une demande similaire du groupe Fleury Michon, condamné par la cour d'appel à 12,9 millions d'euros d'amende, contre près de 14,8 millions d'euros d'amende en 2020.
Sollicitée par l'AFP, la société n'avait pas réagi dans l'immédiat. Deuxième industriel le plus lourdement condamné par le gendarme de la concurrence (31,7 millions d'euros d'amende), le groupe Les Mousquetaires (Intermarché, Netto) voit sa sanction considérablement diminuer en appel, à 5,6 millions d'euros.
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La cour a notamment jugé qu'il n'était pas possible d'imputer aux filiales du groupe l'une des infractions reprochées. Les Mousquetaires n'ont pas souhaité faire de commentaire.
Le groupe suisse Coop, l'industriel français Savencia (marques Bordeau Chesnel, Saint Agaûne) ou encore le géant de l'agroalimentaire suisse Nestlé, maison mère de la société Herta, figurent également parmi les entreprises sanctionnées. Leurs condamnations ont également été réduites en appel.
Réunions secrètes dans des hôtels
Dans l'ensemble, les trois pratiques d'entente sanctionnées par l'Autorité de la concurrence "sont jugées comme établies par la cour d'appel", indique cette dernière dans son communiqué.
Les quatre principaux charcutiers-salaisonniers s'étaient concertés, en échangeant par téléphone ou courriels, pour "présenter un front commun" lors de négociations avec les abatteurs de porcs sur les variations du prix d'achat hebdomadaire du jambon sans mouille, une matière première cotée au marché de Rungis, et ce "afin de contrer les demandes de hausse de prix, voire d'obtenir des baisses de prix", relève la cour.
Si ces pratiques sont "particulièrement graves", elles ne constituent "pas les plus graves d'entre elles" et leur impact sur l'économie est resté "très limité", nuancent les magistrats. Les deux autres pratiques prohibées consistaient pour les industriels à s'entendre sur les hausses de prix qu'ils comptaient pratiquer auprès des enseignes de la grande distribution pour leurs produits de charcuterie crue et cuite, sous marque de distributeur ou sous "premier prix", et sur les réponses à apporter aux appels d'offres.
L'enquête de l'Autorité de la concurrence avait mis au jour plus de 300 échanges bilatéraux et six réunions secrètes entre concurrents, dans des hôtels de Paris et Lyon. Ces pratiques avaient notamment été révélées grâce à la procédure dite de clémence, qui, selon le gendarme de la concurrence, "permet aux entreprises ayant participé à une entente d'en dévoiler l'existence à l'Autorité et d'obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d'une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire".