Ce "contrat agile" dont rêve le patronat

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EMPLOI - Plusieurs organisations patronales ont signé une lettre commune adressée au gouvernement et dans laquelle ils demandent plus de flexibilité.

Le gouvernement reçoit lundi les organisations syndicales et patronales pour présenter les grandes lignes de son "plan d’urgence pour l’emploi".  Mais du côté du patronat, on n’a pas attendu lundi pour exposer son point de vue : dès dimanche, la plupart des organisations syndicales ont signé un texte publié dans Le Journal du Dimanche et dans lequel elles demandent la mise en place d’un contrat de "travail agile". Que signifie concrètement cette agilité ? Le patronat peut-il espérer arriver à ses fins ?

Ce que demande le patronat. Dans une "lettre ouverte des entreprises et entrepreneurs au président de la République", le Medef et plusieurs autres organisations patronales multiplient les requêtes : exonérations de charges sociales, simplification administrative et juridique ou encore "facilitation des nouvelles formes d’activités indépendantes". Mais une demande a particulièrement attiré l’attention : l’appel à mettre en place un "contrat de travail agile".

Par "agile", il faut comprendre un contrat de travail plus flexible. Car comme l’affirme le président du Club des entrepreneurs de croissance, Christian Person, le contrat de travail actuel est devenu aux yeux des employeurs un "problème structurel", une "vache sacrée", un "totem". Et le CDI d’être qualifié de "contrat du XXe siècle par excellence et structurellement inadapté à notre économie contemporaine".  

A la place, les organisations patronales réclament un contrat du travail plus facile à rompre : le licenciement serait facilité si l’entreprise va mal ou si l’employé n’atteint pas les objectifs qui lui ont été assignés. Des conditions qui seraient fixées dès la signature du contrat et donc connues de l’employé. Son licenciement ne pourrait alors pas donner lieu à une bataille d’interprétation et une longue procédure devant les prud’hommes, les indemnités étant plafonnées à l’avance en fonction de l’ancienneté.

Une partie de poker menteur ? Ce type de réforme ressemble à s’y méprendre à la proposition du Nobel d’Economie Jean Tirole de supprimer les CDI et CDD pour créer un contrat unique. "On a aujourd'hui de la sécurité pour les uns, de la précarité pour les autres", déclarait-il fin 2014 sur Europe 1, avant de vanter les mérites d'un contrat unique.

Sauf qu’un tel changement de paradigme nécessiterait des années de préparation, ce dont le gouvernement va bientôt manquer. Et, comme le soulignait JeanTirole, une telle réforme supposerait d’instaurer une forme de flexisécurité pour indemniser et accompagner le travailleur pendant des périodes de chômage qui seraient plus fréquentes. Un système à la danoise qui coûte cher et semble difficilement compatible avec la baisse des charges sociales demandée par le patronat.  

Dans le contexte actuel, les demandes du patronat ont donc peu de chances d’être entendues, d’autant que le gouvernement a déjà consenti d’importants efforts en faveur des employeurs (CICE, Pacte de responsabilité). "Le patronat a-t-il oublié le pacte" de responsabilité ? Les 41 milliards d'euros d'aides aux entreprises pour l'investissement, pour l'embauche de jeunes, pour l'alternance, pour la formation des salariés, qu'en ont-ils fait?", a d’ailleurs réagi le secrétaire général de la CFDT lundi sur Europe 1. Pour Laurent Berger, il est impensable de "sécuriser les employeurs sur le dos de l'insécurité" des salariés. Faute de temps, de moyens et d’accord des partenaires sociaux, les signataires de cette lettre ouverte ont donc peu de chance d’être entendus.

La justice prud’hommale, le vrai enjeu ? Parmi les requêtes du patronat, une seule semble en mesure d'être satisfaite : le "plafonnement  des indemnités prudhomales lié à l’ancienneté du salarié". Une mesure déjà prévue par la loi Macron mais retoquée par le Conseil constitutionnel car les employés des petites et des grandes entreprises n’étaient pas sur un pied d’égalité. Le patronat souhaite donc que cette réforme revienne lors du prochain projet de loi gouvernemental. On peut d'ailleurs se demander si ce dossier n’est pas le véritable objectif de cette lettre ouverte.

Car ce message a rapidement été entendu, comme s’en est félicité le dirigeant de la CGPME François Asselin, lundi à l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre et la ministre du Travail. "Le gouvernement a l'intention de revenir sur ce plafonnement, on nous a même annoncé que ce plafonnement serait plutôt offensif, c'est-à-dire qu'il correspondrait plutôt à une structure d'entreprise plutôt de PME", a-t-il déclaré. Avant d'ajouter que "cela concernerait tous les salariés de toutes les entreprises, (même si) pour certains cas comme le harcèlement ça sortirait de ce contexte. Mais en tout cas, cela permettrait de sécuriser la rupture, l'annonce nous a été faite effectivement". Problème : les organisations syndicales y sont unanimement opposées.