Le salut de la Sécurité sociale passera par des réformes structurelles, comme une régulation renforcée de l'Assurance maladie et une recomposition plus poussée de l'offre de soins, prévient mardi la Cour des comptes dans son rapport annuel. Selon les Sages, le retour à l'équilibre sera "décalé de plusieurs années". A quelques jours du 70e anniversaire de la Sécurité sociale et de l'annonce de son budget 2016, la Cour des comptes rappelle que sa pérennité est menacée à terme par "la persistance de ses déficits, le gonflement de la dette sociale qui en résulte, l'érosion de la protection qu'elle assure".
La branche maladie reste la plus déficitaire (-7,2 milliards d'euros en 2015). Mauvaise répartition des professionnels de santé sur le territoire, place encore trop importante de l'hôpital malgré des capacités réduites... Dressant un bilan "décevant" des actions menées depuis vingt ans, la Cour regrette un système de soins insuffisamment efficient face au vieillissement de la population et à l'extension des maladies chroniques, et un désengagement des pouvoirs publics dans sa régulation. Elle préconise des réformes qui "ne peuvent être différées". Europe 1 récapitule les cinq principales pistes données par la Cour.
- Maîtriser les dépenses chez les infirmiers et les kinés.Les dépenses d'assurance-maladie liées à l'activité des infirmiers et des masso-kinésithérapeutes ont représenté 10,7 milliards d'euros en 2014 et augmentent de 5,7% par an depuis 2000, croissance "de moins en moins soutenable, sauf à évincer d'autres dépenses". Les 103.000 infirmiers et 64.000 kinés qui exerçaient à titre libéral début 2014 sont par ailleurs très inégalement répartis sur le territoire: il y a sept fois plus d'infirmiers au regard du nombre d'habitants en Haute-Corse que dans les Yvelines, et l'Hérault en a près de 4 fois plus que la Seine-Saint-Denis (idem pour les kinés), ce qui nécessite des actions pour "rééquilibrer l'offre de soins". La Cour propose aussi d'"instaurer une enveloppe de prescriptions par médecin, en fonction des caractéristiques de sa patientèle".
- Poursuivre la réorganisation des maternités. La Cour propose de contrôler le "respect rigoureux" des normes de personnel dans les maternités qui comptabilisent moins de 300 accouchements (13 au total). Il "est loin d'être assuré partout avec la même rigueur". Fermer les maternités "sans délai en cas d'absence de mise en conformité immédiate". Autre piste: réduction de la durée moyenne de séjour. Le nombre des maternités a fortement baissé, passant de 815 en 1996 à 544 en 2012, souligne la Cour des comptes.
- Mieux réguler le soin de l'insuffisance rénale. Autres dépenses à mieux réguler : celles liées à l'insuffisance rénale chronique terminale (3,8 milliards en 2013), notamment grâce à "une réorientation de l'effort financier vers la prévention", au développement accru de la greffe et à une révision des modes de tarification des soins par dialyse. Les propositions liées à l'insuffisance rénale permettraient 900 millions d'euros d'économies à moyen terme.
- Moderniser les pensions de réversion de retraites. "L'hétérogénéité des règles d'attribution et de calcul des pensions de réversion, qui représentent 34 milliards d'euros, créent de fortes disparités entre les retraités, rendant souhaitable leur modernisation". Parmi les évolutions possibles : une harmonisation des conditions d'âge, l'instauration de conditions de ressources dans les régimes qui n'en ont pas, ou encore "la proratisation des pensions en fonction de la durée du ou des mariages, rapportée à la durée d'assurance du conjoint décédé".
- Fusionner des centres de lutte contre le cancer. Ces centres prennent en charge 10% des patients atteints d'un cancer. Leur situation financière s'est dégradée depuis 2009. En 2014, leur déficit global atteignait 14 millions et 11 des 18 centres étaient dans le rouge contre six en 2009. La Cour envisage des "possibilités de fusion" entre centres, ainsi qu'une "coopération renforcée avec les CHU n'excluant pas la fusion avec ces derniers".