La rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, à Pékin, avait des airs de "Pour une poignée de (milliards) de dollars", référence au classique western de Sergio Leone. Sauf qu’en lieu et place d’un duel de cowboys, les deux dirigeants les plus puissants de la planète ont offert aux observateurs attentifs une moisson d’accords commerciaux pour un montant total vertigineux de plus de 250 milliards de dollars. Une myriade de contrats qui permet aux géants américain et chinois de sceller une entente cordiale.
Trump change de discours. Qu’il semble loin le temps où Donald Trump, alors en campagne, accusait la Chine de pratiques commerciales déloyales et de "voler des emplois à l’Amérique". C’était il y a à peine plus d’un an, le milliardaire promettait alors une guerre économique à son partenaire pour réduire le déficit commercial accumulé par les États-Unis dans leurs échanges et qui a atteint 350 milliards de dollars en 2016 (300 milliards d’euros).
En visite diplomatique et commerciale à Pékin, Donald Trump a radicalement changé de discours jeudi lors de la conférence de presse commune tenue avec son homologue Xi Jinping. "Je ne le reproche pas à la Chine. Après tout, qui peut reprocher à un pays de profiter d’un autre pays pour le bien de ses citoyens ?", a estimé le président américain, faisant ressortir son passé de businessman. "Je le reproche, en revanche, aux précédentes administrations, qui ont permis à ce déficit commercial incontrôlable de se former et de grossir", a précisé Donald Trump qui, contrairement à son prédécesseur Barack Obama a bien été reçu avec le tapis rouge.
Contrats pharaoniques. Trump adouci ? Pragmatique surtout. "Il ne peut pas y avoir de guerre commerciale, les deux pays ont une capacité de nuisance économique réciproque. Ça rappelle l’équilibre de la terreur pendant la Guerre froide", souligne Vincent Hervouët, expert des questions internationales d’Europe 1. Faute de guerre commerciale, le président américain s’est donc rabattu sur ce qu’il sait faire de mieux : le business. "Nous devons faire mieux en termes de commerce avec la Chine parce que, pour l'instant, c'est à sens unique", avait-il annoncé avant son départ pour l’Asie.
Dans cette optique, Trump a poussé la signature d’une montagne de contrats avec des entreprises américaines, pour un montant total record de 253,4 milliards de dollars (218,4 milliards d’euros), l’équivalent du PIB de la Finlande ! Les accords concernent les secteurs de l'énergie, l'aéronautique, l'agroalimentaire ou l'électronique et des géants américains comme Boeing, DowDuPont, Caterpillar, General Electric ou Qualcomm, vont en bénéficier. De quoi mettre le pied (et la jambe) dans la porte de l’immense marché intérieur chinois.
La Chine aussi gagnante. Sur le papier, ces annonces semblent favoriser uniquement les États-Unis. Mais au milieu de tous ces contrats, la Chine aussi tire son épingle du jeu. Ainsi, à l'heure où Pékin s'efforce de diversifier ses approvisionnements d'hydrocarbures, trois organismes étatiques, dont le fonds CIC, ont conclu un accord pour exploiter des gisements de gaz naturel en Alaska, avec jusqu'à 43 milliards de dollars d'investissements prévus. Cela pourrait réduire le déficit commercial américain de 10 milliards de dollars par an, selon les services du gouverneur de l'Alaska.
Résultat, l'avalanche d'accords a été qualifiée de "véritable miracle" par le ministre chinois du Commerce, Zhong Shan. En effet, la Chine gagne aussi sur tous les tableaux en glanant des contrats sur le sol américain, chose relativement rare. Surtout, une telle possibilité était loin d’être gagnée il y a encore quelques mois si l’on considère les déclarations protectionnistes de Donald Trump à l’encontre de la Chine. Quant à l’excédent commercial chinois avec le pays de l’oncle Sam, il va certes se réduire, mais le géant asiatique dispose d’une marge conséquente.
Encore des incertitudes. D’autant que si les chiffres avancés impressionnent, les deux chefs d’État se sont bien gardés de révéler les détails des contrats. "La plupart des annonces concernent des protocoles d'accord plutôt que des contrats fermes. Il est judicieux de se demander ce qui va réellement se concrétiser", avertit Christopher Balding, professeur à l'Université de Pékin, interrogé par l’AFP. Pas sûr donc que les États-Unis s’en tirent réellement à meilleur compte que la Chine. Ainsi, malgré les protestations répétées de Donald Trump sur les transferts de technologies imposés aux firmes étrangères et les restrictions d'accès à de nombreux secteurs de l’économie chinoise, Xi Jinping n’a pas bougé d’un iota, laissant seulement entendre que la Chine "reste grand ouverte".
L’épineux dossier nord-coréen. Les contrats faramineux signés entre la Chine et les États-Unis permettent surtout de sceller une nouvelle forme d’entente entre les deux pays. Donald Trump a ainsi vanté sa "bonne alchimie" avec Xi Jinping, affirmant même que "(son) peuple peut être fier de (lui)". Une tape dans le dos pour faire passer les pressions sur le dossier nord-coréen. "La Chine peut régler ce problème facilement et rapidement. Le temps presse, nous devons agir vite", a martelé le président américain. "L’objectif des Américains, c’est la dénucléarisation de la péninsule, que Kim Jong-Un négocie. On va voir si Trump est capable d’obtenir des Chinois qu’ils augmentent la pression sur ce tyran qu’ils connaissent par cœur", analyse Vincent Hervouët. Le business est une chose, la diplomatie en est une autre.