Ces solutions pour sortir les agriculteurs de la crise

© NICOLAS TUCAT / AFP
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ZOOM - Les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture confirment que le secteur agricole est dans le dur.

L’agriculture française a connu une année 2016 difficile, marquée par une météo capricieuse, une surproduction mondiale, une baisse des prix, le retour de la grippe aviaire, etc. Les dernières prévisions de l’Insee publiés mardi donnent une idée de l’ampleur du marasme : le revenu moyen d'un chef d'exploitation agricole devrait afficher une chute de 26,1% en 2016 par rapport à 2015. D’après le ministère de l’Agriculture, 10% des exploitations sont "en situation d'extrême urgence". Logiquement, les agriculteurs interpellent les pouvoirs publics et envoient leurs doléances aux candidats à la présidentielle. Mais comment redresser la barre ?

Moins de normes environnementales… ou pas. Régulièrement, le monde agricole dénonce une multiplication des normes et des réglementations qui complexifient son travail. C’est donc très logiquement que la FNSEA, premier syndicat agricole, en a fait l’une des treize mesures qu’elle réclame aux candidats à l’élection présidentielle. Dénonçant "l’enfermement français sur les normes", la FNSEA souhaite ainsi arrêter "’la sur-transposition’ des normes européennes" dans le droit français. En clair, que le législateur français n’aille pas au-delà de ce que l’UE lui demande. De même, la FNSEA veut revoir la Charte de l’environnement pour réduire l’importance du principe de précaution et  y introduire un principe d’innovation. Ainsi, si l’introduction d’OGM en France présentait autant de promesses que de risques, les avantages espérés l’emporteraient sur le principe de précaution.

Sans aller jusque-là, la Coordination rurale estime elle aussi que les normes environnementales peuvent se révéler contre-productives si elles coûtent trop cher et qu’elles ne s’appliquent qu’en France et non à l’étranger. Pourtant, toutes les organisations syndicales ne partagent pas cette position. Ainsi, la Confédération paysanne n’en fait pas une priorité : "la fuite en avant vers moins de réglementation n’est pas la solution", affirme ainsi l’un de ses représentants, André Bouchut, producteur de champignons et de myrtilles. A ses yeux, instaurer des normes coûteuses n’est pas un problème si l’agriculteur s’y retrouve financièrement. La profession est donc loin d’avoir trouvé un consensus entre partisans d’une agriculture tendant vers le modèle biologique et partisans d’une course aux volumes et à l’efficacité.

Faire évoluer la PAC, mais vers quoi ? Auréolée par les uns, décriée par les autres, la Politique agricole commune (PAC) est également au cœur des débats, avec des points de vue très contrastés. La FNSEA veut ainsi "remettre la Pac au cœur de l’Europe", mais avec une certaine vision : une Pac qui lutte contre les écarts de coûts entre Européens, bataille pour trouver des marchés à l’export et qui joue le rôle d’assurance en cas de coup dur.

De son côté, la Coordination rurale veut elle aussi réformer l’Europe mais autrement : revenir à une PAC synonyme de régulation de la production et des prix, instaurer des barrières douanières et créer une "exception agriculturelle". En clair, que l’agriculture soit considérée comme un secteur à part et exclu des règles de l’OMC : bref, ce n’est pas vraiment la conquête des marchés étrangers que prône la FNSEA. En revanche, la Confédération paysanne est bien plus proche de cette position : "il faut changer les règles de la PAC, basée sur un libéralisme effrénée et une agriculture industrialisée", estime André Bouchut. Pour ce dernier, l’UE doit arrêter de subventionner la course au gigantisme et davantage soutenir les exploitations familiales tournées vers un marché local. Ce sont donc des visions très différentes de l’Europe qui traversent la profession et retardent une réforme de la Pac. En revanche, tous les syndicats s’accordent sur un point : il faut préserver son budget.

Moins de charges contre une hausse des tarifs ? Les agriculteurs n’échappent pas à la règle : comme beaucoup d’autres professions, ils estiment qu’ils paient trop de charges qui alourdissent le coût du travail. C’est en tout cas le message que fait passer la FNSEA, en demandant une montée en puissance du Crédit impôt compétitivité (Cice) et, surtout, la suppression des cotisations famille et maladie. Pour compenser le manque à gagner, le syndicat préconise d’instaurer une TVA sociale. Pas sûr que les consommateurs apprécient. Mais la Coordination rurale et la Confédération paysanne ne partagent pas ce point de vue et considèrent que le problème vient d’ailleurs, et notamment des entreprises qui achètent, transforment et commercialisent leur production.

Rééquilibrer les relations avec l’industrie agroalimentaire. C’est l’un des rares points sur lesquels les organisations syndicales s’entendent. Toutes dénoncent des négociations peu transparentes et surtout déséquilibrées avec les intermédiaires, les transformateurs et la grande distribution. Ainsi, la FNSEA estime que "sur 100 euros d’achat alimentaire, seuls 8 reviennent au producteur". Le premier syndicat agricole comme la Coordination rurale  et la Confédération paysanne réclament donc que les agriculteurs bénéficient du juste prix de leur labeur.

Ce dossier est d’ailleurs l’un des plus avancés puisque la loi Sapin 2 s’attaque au problème et va bientôt entrer en application. Elle prévoit notamment d’instaurer plus de transparence dans ces relations commerciales en obligeant l’industrie agroalimentaire à prendre en compte le prix payé aux agriculteurs et à détailler comment elle fixe ses tarifs. Objectif de la manœuvre : pouvoir identifier qui récupère la plus grande part de la valeur ajoutée et donc si les agriculteurs récupèrent une juste part. Cette réforme autorise aussi la rédaction de contrats pluriannuels, qui offrent aux agriculteurs une meilleure visibilité. De même, les contrats doivent désormais prévoir une révision des prix payés aux agriculteurs en cas de retournement des marchés.

Revaloriser l’image de la profession. Au-delà de leurs profondes divergences, les syndicats agricoles sont également d’accord sur un autre point : la nécessité d’améliorer l’image de l’agriculture. Tous soulignent que la profession séduit de moins en moins – 5.000 agriculteurs quittent la profession chaque année – et qu’elle est accusée de nombreux maux. "La société doit soutenir les éleveurs en payant la qualité qu’elle réclame à son juste prix, au lieu de les accabler (santé, abattage, réchauffement climatique), contribuant ainsi à la dévalorisation de ce métier de nourrir les hommes", résume la Coordination rurale. Pour y remédier, la FNSEA réclame la création d’un statut d’agriculteur, avec les droits qui vont avec. De son côté, la Confédération paysanne milite pour des filières plus locales et plus en relation avec le reste du tissu économique et social, une manière de remettre les agriculteurs au centre du village.