Pressé par l'inflation, le gouvernement a complété jeudi son "arsenal de mesures" destinées à protéger le pouvoir d'achat des Français, un examen de passage pour sa majorité relative face à des oppositions à l'offensive et des gardiens des finances publiques très sceptiques. Après déjà plus de 25 milliards d'euros mis sur la table depuis l'automne 2021 pour atténuer en particulier la hausse des prix de l'énergie, le gouvernement a présenté dans deux textes (un projet de budget rectificatif et une loi pouvoir d'achat) une nouvelle salve d'aides, chiffrée à "une vingtaine de milliards d'euros", selon le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
"Le plus dur, nous y sommes, le pic inflationniste, c'est maintenant et (...) c'est donc maintenant qu'il faut compléter notre arsenal de mesures pour protéger nos compatriotes", a-t-il insisté à la sortie du Conseil des ministres.
Chèque alimentaire de 100 euros
Parmi les principales mesures figurent les revalorisations anticipées de 4% des pensions de retraite et des prestations sociales, l'augmentation de 3,5% du traitement des agents publics, un chèque alimentaire de 100 euros, auquel il faudra ajouter 50 euros par enfant, la prolongation de la remise carburant de 15 à 18 centimes et du bouclier tarifaire sur l'énergie, la suppression de la redevance ou encore le triplement de la prime Macron. Mais également une indemnité en faveur des actifs et alternants qui prennent leur voiture pour aller travailler, lancée le 1er octobre et qui pourra atteindre jusqu'à 300 euros, en fonction du revenu et de la distance parcourue.
Des mesures dégainées alors que selon l'Insee, le pouvoir d'achat des Français devrait reculer de 1% en 2022, plombé par une inflation qui atteindrait 5,5% en moyenne sur l'année, du jamais vu depuis 1985. Si la nécessité de telles dépenses est plutôt partagée, l'adoption de ces textes s'annonce mouvementée avec une Assemblée où le camp présidentiel n'a qu'une majorité relative et un Sénat dominé par la droite.
Prévue à 19 heures, l'audition de Bruno Le Maire et du ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal par la commission des Finances de l'Assemblée, désormais présidée par l'Insoumis Éric Coquerel, sera un baptême du feu. Chargés du contrôle des comptes publics, la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques se sont eux déjà interrogés dans la matinée sur la crédibilité des prévisions de déficit (5%), de croissance (2,5%) et d'inflation (5%) du gouvernement pour 2022. "2,5% c'est possible, (mais) ça repose sur des hypothèses très favorables", a alerté le patron de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.
Chemin intermédiaire
"Notre ligne restera celle du rétablissement des finances publiques", lui a répondu Bruno Le Maire, soulignant à nouveau qu'"avant de redistribuer des richesses, il faut les créer". Mais pas nécessairement en reprenant les propositions de l'opposition sur le pouvoir d'achat, a précisé le gouvernement. Baisser les taxes sur le carburant pour ramener les prix à 1,50 euro/l, comme le souhaitent les LR, ou bloquer les prix à 1,40 euro/l, comme le veut la gauche ? Trop coûteux, selon Bercy. Le Smic à 1.500 euros ? Une menace pour l'emploi, répond-on au gouvernement.
"Il y a sans doute des chemins intermédiaires" à trouver, veut-on croire dans l'entourage de la Première ministre, Élisabeth Borne ayant notamment souligné dans son discours mercredi entrevoir des "convergences" possibles avec les LR. Au RN, Marine Le Pen, présidente du groupe à l'Assemblée, "veut" que ce projet de loi, "urgent" pour les Français, "puisse être voté", mais elle critique l'"usine à gaz" du chèque pour les "gros rouleurs" et continue de plaider pour une baisse de la TVA sur les prix de l'énergie et les carburants de 20% à 5,5%.
À la Nupes, on juge le texte du gouvernement "très, très loin d'être à la hauteur de ce qu'attendent les Français", selon la présidente du groupe Insoumis à l'Assemblée, Mathilde Panot. Les Français "prendront" les chèques de 100 euros, mais "est-ce qu'ils veulent vivre d'aumône ?", a interrogé le député LFI François Ruffin sur LCI. La Nupes prévoit ainsi de déposer de nombreux amendements au projet de loi. Encore faudra-t-il qu'ils soient financés, prévient-on au gouvernement en rappelant le cadre "contraint" des finances publiques.