"Que les chiffres peuvent être cruels". Voilà ce qu’a dû se dire François Hollande mercredi soir en recevant les chiffres mensuels du chômage. Le président termine son mandat sur une très forte hausse du nombre d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A : +1,3% en mars, soit 43.700 chômeurs en plus en métropole. La plus forte hausse depuis septembre 2013. Comme un symbole, François Hollande avait entamé son quinquennat avec une augmentation de 1,2% en mai 2012. En cinq ans, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité a augmenté de 20%, soit près de 600.000 personnes.
Le bilan de François Hollande en matière de lutte contre le chômage est donc mauvais. Mais on aurait tort de s’arrêter à ce seul chiffre de +1,3% pour juger la politique du quinquennat. En effet, ce serait occulter la dynamique de baisse entamée en octobre 2015. Le nombre d’inscrits en catégorie A culminait alors à 3.579.500. Depuis, ce chiffre a globalement diminué. En un an et demi, Pôle emploi a recensé 71.400 demandeurs d’emploi sans aucune activité en moins. La courbe s’est bel et bien inversée et le chômage recule (très) doucement.
Un mal pour un bien. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la forte hausse du mois de mars est cohérente avec cette tendance à la baisse. Depuis plusieurs mois, pendant que la catégorie A dégonflait, les catégories B et C (personnes ayant travaillé plus ou moins de 78 heures dans le mois) continuaient d’augmenter. Un mouvement qui s’expliquait par l’embauche de contrats courts et de temps partiels qui faisaient basculer les personnes inscrites à Pôle emploi de A vers B et C. Preuve que les entreprises ont recommencé à embaucher, même si elles restent prudentes et n’offrent que peu de CDI.
En réalité, la forte hausse de mars s’explique par la fin de ces contrats courts. Le temps de retrouver un emploi ou d’être reconduites, les personnes inscrites à Pôle emploi sont repassées dans la catégorie A, la plus scrutée par les observateurs. Le climat étant à présent propice à des embauches, il y a de fortes chances pour qu’elles repassent dans les catégories B et C, voire dans le meilleur des cas, qu’elles sortent des statistiques de Pôle emploi.
Les Français retrouvent des activités professionnelles
Les chiffres d’entrées et de sorties de Pôle emploi laissent également entrevoir un possible rayon de soleil sur l’emploi. Les entrées d’abord. Depuis avril 2016, le nombre de personnes qui s’inscrivent à Pôle emploi (catégories A, B et C) pour motif de reprise d’activité professionnelle a explosé, passant de 40.000 par mois en moyenne a plus de 80.000 et même 100.000 ces derniers mois. Par-là, il faut comprendre que des gens sans la moindre activité trouvent actuellement des petits boulots, des missions courtes, etc. Ce ne sont pas des emplois stables, d’où le fait qu’elles doivent s’inscrire à Pôle emploi, mais c’est déjà positif.
Autre signe encourageant à Pôle emploi : le nombre de sorties pour cause de reprise d’emploi dépasse désormais régulièrement les 100.000 par mois, contre environ 90.000 il y a deux ans. On parle ici de véritables emplois durables, CDD longs et CDI, créés par les entreprises.
Créations d’emplois au beau fixe
C’est LE chiffre le plus positif sur le front de l’emploi ces derniers temps. En 2016, les entreprises françaises ont créé 187.200 emplois dans l’ensemble des secteurs marchands (hors agriculture), un niveau jamais vu depuis 2007. La dynamique incite à l’optimisme : il y a cinq ans, l’économie française avait détruit près de 110.000 postes. La tendance s’est inversée il y a deux ans : depuis le deuxième trimestre 2015, la France a enchaîné sept trimestres consécutifs avec un solde positif. Bien sûr, ces données ne disent rien de la qualité des emplois créés. Mais, encore une fois, mieux vaut des créations que des destructions.
Intérim au niveau d'avant-crise
Parmi les postes créés, beaucoup sont en intérim. La courbe est sans appel : depuis 2012, le nombre d’emplois intérimaire ne cesse de grimper. Aujourd’hui, plus de 650.000 personnes sont concernées par ce type de contrat, contre 550.000 il y a cinq ans. Il faut remonter à 2007 pour trouver traces de meilleurs chiffres de l’intérim.
Or, c’est un indicateur par anticipation de l’emploi de demain : quand l’intérim va bien, il faut s’attendre à une amélioration sur le front de l’emploi dans les mois à venir. En effet, quand les entreprises ressentent à nouveau le besoin d’embaucher mais ont peur de s’engager sur le long terme, elles ont recours aux intérimaires. Actuellement, il manque un petit supplément de confiance aux patrons français pour passer à des embauches durables.
Mais la croissance patine...
Avec tous ces signaux dans le vert, comment se fait-il que le taux de chômage continue de stagner, entre 9,6 et 10%, depuis quatre ans ? D’abord car l'intérim ne représente qu’une toute petite partie du marché de l'emploi, seulement 3%. Sa bonne santé ne compense pas la fin des CDD qui sont venus gonfler les chiffres du chômage en mars. Pour que le marché de l'emploi reparte vraiment il faut deux choses. Premièrement, une meilleure confiance des entreprises en l’avenir afin de les pousser à investir et embaucher. Deuxièmement, un peu plus de croissance. 1,2% et 1,1% comme les dernières années, cela ne suffit pas à enclencher une dynamique économique globale. Avec quelques dixièmes de point de plus, il y a fort à parier que l’emploi décollera (enfin).