Chute de la récolte de vin en France : les producteurs vont trinquer

Les vignes françaises ont souffert du gel en 2017.
Les vignes françaises ont souffert du gel en 2017. © AFP
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Mathilde Belin , modifié à
Avec la baisse historique de la récolte de vin attendue pour 2017, les producteurs s'attendent à perdre de nombreux clients sur le marché mondial, alors que l'impact pour le consommateur sera lui limité.

C'est une baisse historique : la France devrait connaître cette année sa plus petite récolte depuis 1945, avec une production de vin estimée en baisse de 18% par rapport à 2016, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture donnés vendredi. Avec pour conséquence directe, une perte de revenus pour les viticulteurs et les vignerons. Les prix pour le consommateur, eux, ne devraient pas augmenter. Revue de détails des effets de ce mauvais cru, pour les producteurs d'abord, pour les consommateurs ensuite.

POUR LES PRODUCTEURS

  • Une perte financière à court terme

La perte de volumes causée par les aléas climatiques survenus cette année - le gel et la sécheresse -, engendre automatiquement une perte de revenus immédiate pour le producteur. "Aujourd'hui, sur le Bordelais et Blaye, ce sont 45% des surfaces qui ont été gelées. Les vignes gelées ne donnent pas de raisins, ou très peu. Cette perte de rendement amène une perte de revenus", explique à Europe1.fr Franck Jullion, président du syndicat viticole Blaye-Côtes de Bordeaux, une des régions les plus impactées par le gel. Il estime que la perte pour un viticulteur blayais qui commercialise en vrac est de 7.000 euros par hectare, et de 33.000 euros par hectare pour un viticulteur qui valorise lui-même en bouteille. 

  • Une perte commerciale à moyen terme

Au-delà de la perte financière immédiate, le viticulteur va souffrir à moyen terme d'une perte commerciale sur le marché international, dans ce qui s'apparente à une  "double peine" selon Jean-Marie Fabre, vigneron indépendant de l'Aude. "Étant donné qu'on a une production plus faible, on ne peut pas offrir les volumes demandés sur le marché", explique-t-il à Europe1.fr. "On est contraint depuis trois ans à des épisodes climatiques qui impactent nos volumes, et au bout d'un moment, on perd le business car les importateurs nous 'délistent', faute de pouvoir alimenter leurs commandes", résume le vigneron. Ces parts de marchés laissées vacantes par les producteurs français vont être récupérées par des concurrents étrangers. "L'importateur russe va par exemple se tourner vers un vin australien ou sud-africain", illustre Jean-Marie Fabre. "Et reprendre nos parts de marchés est quasi insurmontable. On ne peut les récupérer qu'au bout de deux, trois, quatre ans", s'inquiète-il. 

POUR LES CONSOMMATEURS

  • Du choix dans les rayons

Si l'approvisionnement en millésimes 2017 s'annonce pauvre, les rayons des supermarchés ne devraient pas être vidés pour autant dans les mois qui viennent. "Nous sommes sur un marché mondial", rappelle Franck Jullion, qui s'attend à voir davantage de vins étrangers à la vente dans l'Hexagone. L'absence de crus 2017 sera aussi compensée par des bouteilles des millésimes précédents. "Certains vignerons ont des stocks des dernières années. Donc ils vont pouvoir limiter l'impact de cette baisse des récoltes en approvisionnant en bouteilles de 2016, 2015…", développe le président de l'appellation Blaye-Côtes de Bordeaux. Rappelant que la France est le premier pays exportateur de vin en valeur, Jean-Marie Fabre estime que les producteurs français vont favoriser le marché intérieur, au détriment de l'étranger : "On va surtout rogner sur le marché extérieur et moins vendre à l'étranger dans l'année."

  • Des prix inchangés

Enfin, que le consommateur se rassure : cette baisse historique de la récolte attendue cette année ne devrait avoir qu'un impact limité sur le prix de la bouteille. "On ne pourrait jamais augmenter le prix, public et professionnel, car il serait tellement important pour compenser les pertes que le consommateur ne l'accepterait pas", explique Jean-Marie Fabre. Franck Jullion partage le même constat : "S'il y a augmentation, elle sera infime. Mais c'est impossible de faire compenser la perte de récolte sur le prix de la bouteille, car celui-ci serait autrement de +40%…"