Cible de nombreuses critiques et des rumeurs les plus folles, la Couverture Maladie universelle (CMU) – et plus particulièrement la CMU complémentaire – va faire l’objet de contrôles plus approfondis. La Caisse nationale d'assurance maladie a annoncé mardi le lancement d’un vaste plan national de contrôle de ressources des bénéficiaires. Objectif : mieux identifier les fraudeurs. Qui, contrairement aux idées reçues, ne représentent qu’une part limitée de la fraude à l’Assurance maladie.
Qu’est-ce que la CMU-C ? Redoutant une facture trop salée, certaines personnes à faibles revenus renoncent à se faire soigner. Sauf que ce réflexe coûte au final plus cher à la société : il est en effet plus efficace de traiter les malades à temps plutôt que de les prendre en charge lorsque leurs pathologies sont devenues trop graves. Et donc plus compliquées à soigner.
L’Assurance maladie a donc mis en place en 2000 la CMU pour permettre un accès aux soins aux foyers qui gagnent moins de 9.601 euros par an. Pour compléter ce dispositif, l’Etat a instauré une "CMU complémentaire", une complémentaire santé gratuite permettant de prendre en charge les soins non couverts par l’Assurance maladie de base. Fin 2014, on dénombrait près de 5,2 millions de bénéficiaires de cette complémentaire. Attention, CMU et CMU complémentaires ne doivent pas être confondues avec l’Aide médicale de l’Etat (AME), destinée aux étrangers en situation irrégulière en France.
L’accès aux comptes bancaires pour repérer les fraudeurs. Pointée du doigt par certains politiques, qui y voient une forme "d’assistanat", la CMU se doit d’être irréprochable et l’Assurance maladie en est bien consciente. Son directeur a donc annoncé mercredi dans les colonnes du Parisien un vaste plan de lutte contre les fraudeurs à la CMU complémentaire. Une traque qui va être facilitée par une réforme de taille : les contrôleurs vont avoir accès aux comptes bancaires et comptes épargne des bénéficiaires.
A partir de 2016, les agents de l’Assurance maladie pourront donc comparer les revenus officiellement déclarés à l’Assurance maladie et le train de vie réel des bénéficiaires. En cas d’écart, les contrôleurs pourront donc convoquer le bénéficiaire. Et le priver de la CMU complémentaire en cas d’abus. L’Assurance maladie se fixe pour objectif de contrôler chaque année 10% des bénéficiaires. Les fraudeurs encourent des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 12.000 euros. Et pour les cas les plus graves, des sanctions pénales sont possibles.
Une méthode qui a montré son efficacité. Cette technique, l’Assurance maladie l’a expérimentée en 2013 et en 2014 sur quatre caisses et ces "premiers tests font apparaître un nombre significatif d'anomalies. Leur niveau et leur gravité sont très variables mais cela suffit pour justifier une vérification de plus grande envergure", explique au Parisien, Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie. Et le quotidien d’avancer que des anomalies ont été détectées chez 10% des personnes contrôlées.
Les assurés sont loin d’être les premiers fraudeurs. "La vérification est légale, il n’y a aucune raison que, s’agissant d’argent public, on n’ait pas en France une politique de lutte contre les fraudes", a réagi au micro d’Europe 1 Christophe Saout, secrétaire général délégué du collectif interassociatif sur la santé (CISS). A ses yeux, un meilleur contrôle permettra de désamorcer de nombreuses polémiques sur la CMU.
Des polémiques jugées d’autant plus injustes que les premiers responsables de fraudes à l’Assurance maladie ne sont pas les assurés mais les professionnels de santé. Ce qui fait dire à Christophe Saout que "la fraude des pauvres est une pauvre fraude". Ce que confirme le dernier rapport de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) : sur les 167,1 millions de fraudes détectées en 2013, seuls 19,7 pouvaient être imputés aux assurés. Soit moins de 12% des fraudes. Les 84% restants sont en effet surtout le fait des professionnels de santé, comme le montre cette infographie :
Identifier aussi les bénéficiaires qui s’ignorent. Et ce dernier de conclure : "on met de l’argent pour lutter contre les fraudes mais on pourrait aussi mettre de l’argent pour promouvoir l’accès à la CMU complémentaire. Il serait aussi légitime de faire de l’information pour que tous les bénéficiaires potentiels puissent y accéder. Il en manque quand même 3 millions". Le rapport d'activité du Fonds CMU consacré à l’exercice 2013 montrait en effet que, sur les personnes remplissant les conditions pour bénéficier de la CMU complémentaire, "entre 60 et 72%" en font la demande. L’Assurance maladie a donc formé ses équipes pour qu’elles sensibilisent les assurés et identifient les bénéficiaires qui s’ignorent.