C'est la dernière proposition de plusieurs membres du gouvernement : faire payer "les entreprises qui recourent excessivement aux CDD et aux intérims" et "remettent indéfiniment les demandeurs d'emploi au chômage", comme l'a expliqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, lundi matin sur Europe 1. Dimanche, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, s'est dit également favorable à la mise en place d'un "dispositif de malus et de bonus" pour "faire en sorte que les entreprises n'abusent pas des contrats courts".
Pourquoi une telle mesure ?
En réalité, le principe du "bonus-malus" était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Et c'est le prix Nobel d'économie Jean Tirole qui, le premier, a mis le sujet sur la table dimanche. Dans une interview au JDD, le président de la Toulouse School of economics juge en effet "le système actuel des CDI et des CDD très mauvais". Selon lui, il faudrait qu'"en cas de licenciement, les entreprises [acceptent] de supporter, en plus des indemnités versées au salarié, une partie du coût qu'elles imposent à la Sécurité sociale". "N'en déplaise au Medef, qui s'oppose à l'idée d'un bonus-malus, il faut appliquer le principe du pollueur-payeur au marché du travail. Le système que je préconise se veut neutre. Les entreprises qui licencient vont payer plus, les autres moins. Si un tel mécanisme est mis en place, les entreprises embaucheront pour un terme plus long."
L'objectif est ainsi clairement posé : empêcher les employeurs d'abuser des CDD à répétition ou des missions d'intérim. À l'inverse, les entreprises vertueuses verront leurs cotisations chômage s'alléger.
À quelles entreprises appliquer le malus ?
Dans leurs déclarations, Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire ont adapté un peu les propositions de Jean Tirole. Eux ne souhaitent pas, a priori, taxer tous les licenciements, mais bien les contrats courts et l'intérim. "Sept embauches sur dix sont des CDD de moins d'un mois, cela a beaucoup augmenté depuis dix ans", a fait valoir la ministre du Travail sur Europe 1. "Quand on sait que 85% de ces emplois sont chez le même employeur qui, une fois, dix fois, vingt fois, trente fois, va embaucher pour une journée ou quelques jours la même personne, on se dit qu'il y a un besoin permanent." Certains secteurs sont particulièrement concernés par ces pratiques, comme le nettoyage, l'hôtellerie-restauration ou encore le médico-social.
Mais Bruno Le Maire a d'ores et déjà émis "une réserve importante" : il faut selon lui "veiller aux intérêts des plus petites entreprises, les PME, les TPE, qui sont souvent obligées d'embaucher le plus par contrats courts, et qui sont aussi celles qui aujourd'hui créent le plus d'emplois". Reste donc à savoir si le gouvernement va choisir de placer un seuil en-deçà duquel aucune taxation ne sera à prévoir. Et si oui, où se situera ce seuil.
Faut-il taxer les contrats courts ?
Retrouvez le débat d'Europe midi sur Europe 1, avec Denis Gravouil, responsable des questions Emploi-Chômage pour la CGT, et Vincent Sitz, président de la commission Emploi et formation du groupement national des indépendants de l'hôtellerie et de la restauration.
Comment légiférer sur le sujet ?
L'idée de la taxation des contrats courts n'est pas nouvelle. Un système avait déjà été mis en place par François Hollande, reposant uniquement sur un "malus" sans "bonus", avant d'être balayé par les partenaires sociaux.
Pour l'instant, le dispositif ne figure dans aucune loi. Il n'était pas non plus dans la première version du texte "avenir professionnel", avant qu'Aurélien Taché, rapporteur à l'Assemblée de sa partie assurance-chômage, ne dépose un amendement en ce sens. Ce qui est prévu désormais, c'est de laisser aux branches professionnelles le soin de trouver des solutions pour enrayer l'accumulation des CDD. Si, au 31 décembre 2018, les partenaires sociaux n'ont pas fait de propositions, "l'Etat pourra, par décret, modifier les règles pour les employeurs et les salariés", a prévenu Muriel Pénicaud sur Europe 1.
Aurélien Taché a, lui, expliqué dans les colonnes des Echos le principe de son amendement. "Il est normal de laisser sa chance au dialogue social", estime-t-il. Mais il ne doit "pas [y avoir] d'hésitations du gouvernement sur cette question de bonus-malus" si le dialogue social ne fonctionne pas à plein.