Alors que le passage de quatre à trois opérateurs se profile, les acteurs de la téléphonie mobile française ont vécu une année 2015 très contrastée.
Les Français aiment le téléphone portable. Fin 2015, l’Hexagone comptait plus de cartes SIM que d’habitants : 75,1 millions, dont 69,8 millions sont actives, selon l’Arcep. Quatre opérateurs se partagent ce marché, mais il n’en restera probablement plus que trois à la fin de l’année, après le possible rachat de Bouygues par Orange. Dans quel état se trouve chacun de ces protagonistes à la veille des grandes manœuvres ? Chaque opérateur ayant publié ses résultats pour l’année 2015, il est désormais possible de répondre à cette question.
Orange, confortablement en tête. L’ex-France Telecom reste le champion incontesté du mobile et cela ne devrait pas changer à court terme : malgré son statut de numéro 1 et des tarifs plus élevés que la moyenne, Orange a réussi à séduire plus de 2 millions de clients supplémentaires (+9,9%). "C'est une année de retournement avec un semestre 2015 de croissance retrouvée, ainsi que des marges, ce qui n'était pas arrivé depuis 2009, avec une reprise qui se trouve sur l'ensemble des secteurs du groupe", a insisté le directeur financier du groupe.
Dans ce contexte, Orange ne cherche plus à progresser en France à tout prix : il peut compter sur le possible rachat de Bouygues Telecom pour y arriver et sait qu’il peut compter sur ses nombreux autres marchés en Europe et en Afrique. En revanche, le groupe se consacre pleinement à un autre projet : le lancement de son offre bancaire qui pourrait lui permettre de passer un nouveau cap et de gagner beaucoup d’argent.
SFR dans la tourmente. Repris en main par Patrick Drahi, le second opérateur mobile a vécu une année 2015 tumultueuse : alors que 460.000 cartes SIM supplémentaires ont été mises en circulation en France, l’opérateur à lui perdu pratiquement un million d’abonnés pour en revendiquer 21,95 millions en fin d’année. Une baisse de 4,3% dans un marché en expansion : SFR est clairement le perdant de cette année, même s’il a réussi à regagner des clients en fin d’année. Et pour ne rien arranger, sa dette représente désormais plus de 3,7 fois ses revenus (au sens de l’Ebitda).
Néanmoins, l’opérateur a limité la casse en procédant à un plan d’économies drastique et compte sur le retour à trois opérateurs pour se refaire une santé. D’autant que SFR prépare la riposte en préparant des offres combinant forfait mobile et accès à des contenus payants, dont de la vidéo à la demande et surtout le championnat anglais de football.
Free continue de grimper. C’est probablement le grand gagnant de l’année écoulée. Une nouvelle fois, Free mobile a poursuivi son expansion et rivalise désormais avec Bouygues Telecom, quatre ans seulement après sa création. L’opérateur compte désormais 11,68 millions de clients, un chiffre en hausse de 15,6%. Dit autrement, Free mobile a séduit 1,6 million de nouveaux clients en 2015.
Et ce n’est pas fini : le groupe ambitionne d’atteindre un jour 25% de parts de marché. Free mobile pourrait y arriver puisque, à la différence de ses concurrents, le groupe est très peu endetté et arrive à faire progresser ses revenus au même rythme que le nombre de ses abonnés. Bref, Free mobile arrive à grossir sans les inconvénients qui vont avec, du moins pour l’instant. Et le possible rachat de Bouygues par Orange pourrait lui permettre de récupérer son relais d’antenne pour enfin disposer d’un réseau digne de ce nouveau statut.
Bouygues Telecom se redresse mais reste dans le rouge. Le troisième opérateur va mieux mais reste malade. Il a certes réussi à attirer 769.000 nouveaux clients (+7%) et comptabilise désormais 11,89 millions de clients mobile. Mais pour y arriver, il a dû casser ses tarifs et donc rogner ses revenus. Résultat, l’année 2015 se termine par une perte de 59 millions, après une année 2014 déjà dans le rouge (41 millions de pertes).
A la différence de ses concurrents, l’avenir de l’opérateur est en revanche très incertain. Si tout se passe comme prévu, Bouygues Telecom devrait être racheté par Orange, tandis que SFR reprendrait une partie de ses clients et Free Telecom ses fréquences et ses antennes-relais. Si bien que chacun prépare son avenir au sein du groupe : le patron Martin Bouygues cherche à obtenir le meilleur prix tandis que les salariés se mobilisent pour être repris par Orange et surtout pas par SFR, dont le nouveau modèle social effraie. Mais Bouygues Telecom a prévenu, il ne restera pas dans l’incertitude trop longtemps : "il faut se donner quelques semaines mais pas le trimestre, pas au-delà", c'est-à-dire fin mars, a prévenu son PDG. Si l’opération venait à échouer, le groupe lancerait un plan d'économies d'au moins 400 millions d'euros en 2016 par rapport à fin 2013.