L'étape est très importante dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19 : le vaccin du laboratoire américain Moderna devrait être autorisé mercredi par l'Agence européenne du médicament. Cela pourrait accélérer la campagne de vaccination en France, sujet très discuté, qui occulte pourtant la capacité de notre industrie pharmaceutique à faire face à la pandémie actuelle. C'est en effet un enjeu de politique industrielle crucial pour l’Europe, face aux nombreux défis des prochaines décennies sur le plan sanitaire.
Le manque d'une stratégie volontariste
Les experts du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ont en effet affirmé qu'il y aurait d’autres pandémies. Elles vont apparaître "plus souvent, se propageront plus rapidement et tueront plus de personnes que le Covid-19". On ne saurait mieux dire à quel point l’industrie des sciences de la vie devrait être une priorité absolue.
" L'objectif est que ne soyons plus dépendants uniquement de livraisons provenant de pays tiers "
L’épidémie de Covid-19 a révélé à quel point nous manquons de capacités de production sur notre sol. Ce qui manque, c’est une stratégie industrielle volontariste à l'américaine ou à la chinoise. Dans ces deux cas, il y a eu une très forte impulsion de l'État, avec des moyens financiers importants assortis de conditions imposées aux industriels : produire sur place.
L'exemple britannique
Le Royaume-Uni, à son échelle, a fait un peu la même chose en associant un industriel, AstraZeneca, qui n’avait pas de compétence particulière dans les vaccins mais qui sait produire des médicaments en grande quantité, et l’université d’Oxford pour concevoir un vaccin à base d’adenovirus. C’était typiquement un choix de politique industrielle de la part du gouvernement britannique. Pourquoi ? Parce que cette technologie de l’adenovirus, qui n’a rien d’exceptionnel, est rapide à mettre au point et rapide à produire en masse. Autrement dit, c’était un bon pari pour faire en sorte que nous puissions disposer rapidement d’un vaccin conçu et produit en Europe.
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Surtout, l'objectif est que ne soyons plus dépendants uniquement de livraisons provenant de pays tiers. C'est ce qui se passe actuellement : la Commission européenne vient de confirmer des options pour des livraisons supplémentaires pour 100 millions de doses du vaccin Pfizer/BioNTech et 80 millions du vaccin Moderna. Des discussions sont en cours entre les 27 pour déterminer leur répartition. Et Bruxelles finalise une nouvelle commande avec Pfizer/BioNTech, d'un volume de 300 millions de doses selon Der Spiegel.
Un sursaut nécessaire
En clair, l’Europe doit avoir une industrie du médicament forte sur son sol. Un exemple : nous ne produisons en France que 5% des médicaments biologiques dont nous avons besoin. Il s'agit de ces médicaments issus des biotechnologies, en plein essor, notamment pour lutter contre le cancer.
Ce n’est pas une question de technologie. Nous manquons simplement de sites industriels pour les produire. Il y a dix ans, nous étions le premier fabricant de médicaments en Europe, tous types de médicaments confondus. Nous sommes aujourd’hui le quatrième. Mais plus largement, c’est toute l’Europe qui produit moins et importe plus. Cette dépendance résulte de l’absence de politique industrielle alors que les États-Unis, la Chine ou dans une moindre mesure la Russie sont beaucoup plus volontaristes. Si la crise du Covid-19 permet un sursaut de notre industrie des sciences de la vie, elle aura été salutaire.