La ministre de la Santé, Marisol Touraine, l'a promis la semaine dernière : un fonds d'indemnisation sera mis en place pour les victimes de la Dépakine et de ses dérivés. Ces médicaments, prescrits à plus de 14.000 femmes enceintes entre 2007 et 2014, selon une enquête de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publiée le 24 août, contiennent en effet du valproate de soldium. Une substance qui a engendré des troubles autistiques, des malformations et des retards de développement chez les enfants de ces femmes.
L'État ne peut pas payer. Si le principe de l'indemnisation est acté, la question de son financement reste entière. Car le coût s'annonce élevé. Au total, selon les estimations, quelque 40 % des bébés nés de ces patientes traitées à la Dépakine présenteraient aujourd'hui des séquelles, souvent irréversibles. Or, l'État ne peut pas se permettre de mettre la main à la poche. Le Parlement s'est en effet engagé à limiter la hausse annuelle des dépenses de santé à 1,75%. Pour respecter cet objectif, la caisse nationale d'assurance-maladie fait déjà la chasse aux surcoûts partout où elle le peut. Dans son dernier rapport, présenté fin juin, elle prévoyait ainsi 1,4 milliard d'euros d'économies. Impossible, au milieu de ces équations serrées, de rajouter un fonds d'indemnisation.
Une taxe de 0,1 à 02%. Pour éviter de compromettre un équilibre budgétaire déjà fragile, le député socialiste Gérard Bapt propose une autre source de financement : appliquer une taxe aux produits de santé remboursés par la Sécurité sociale. Les laboratoires pharmaceutiques qui produisent des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux comme des prothèses ou certains fauteuils roulants seraient donc mis à contribution. Cette taxe, que Gérard Bapt conseille de fixer à "0,1 ou 0,2%" dans le quotidien Les Échos de lundi, ferait l'objet d'un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, présenté cet automne. Réévaluée tous les ans, elle ne s'appliquerait pas aux produits destinés à l'exportation, afin de ne pas pénaliser les activités internationales des laboratoires. Selon Les Échos, elle pourrait rapporter entre 33 et 66 millions d'euros par an.
Ne pas charger Sanofi. Pour Gérard Bapt, cette solution a également l'avantage de ne pas faire supporter le coût de l'indemnisation au seul laboratoire Sanofi, qui commercialise la Dépakine. En effet, le député estime que la responsabilité de Sanofi dans ce scandale sanitaire n'est pas établie. "Rien ne prouve, à ce stade, qu'il y a eu une intervention du laboratoire pour faire taire des alertes ou étouffer des rapports, contrairement à ce qu'on a vu dans l'affaire du Mediator", explique l'élu aux Échos. Après la publication de l'enquête de l'ANSM, Sanofi a rappelé que la prescription du valproate de sodium était déconseillée chez les femmes enceintes de 2007 à 2014. Et que, si faute il y avait, elle incombait donc aux "différents acteurs de santé" qui n'avaient pas, ou mal, pris en compte cette information.
" Rien ne prouve, à ce stade, qu'il y a eu une intervention de Sanofi pour étouffer des rapports, contrairement à ce qu'on a vu dans l'affaire du Mediator. "
Une responsabilité collective. Le directeur général de l'ANSM, Dominique Martin, a lui aussi estimé, jeudi dernier, que la faute était collective. "C'est la justice qui va déterminer quelles sont les responsabilités, qui sont peut-être différentes en fonction des moments", a-t-il déclaré au micro d'Europe 1. Une mission d'expertise juridique a été lancée en mars dernier pour déterminer les manquements de chacun, de Sanofi à l'ANSM. En revanche, l'Apesac, association qui défend les victimes de la Dépakine, vise clairement le laboratoire pharmaceutique producteur. Sa présidente, Marine Martin, a appelé l'État à se montrer "ferme" et à "obliger Sanofi à participer au fonds d'indemnisation".
L'industrie pharmaceutique déjà mise à contribution. Reste que l'idée de faire payer l'ensemble des laboratoires pharmaceutiques pour un scandale sanitaire lié à la prescription d'un médicament produit par un seul d'entre eux risque de faire grincer des dents. Entre les baisses de prix de médicaments remboursés et les diminutions de volume des remèdes prescrits, l'industrie s'estime déjà suffisamment mise à contribution pour tenir le budget serré de l'Assurance maladie.