Ce n’est pas parce que les parlementaires adoptent une réforme qu’elle entre automatiquement en application : après la promulgation, il faut qu’un décret soit publié pour que la nouvelle loi s’applique. Or ce n’est pas toujours le cas, comme l’apprennent à leurs dépens les stagiaires : neuf mois après l’adoption d’une loi encadrant davantage ce statut, le décret portant sur certains points de la réforme s’est perdu dans les limbes. Pire, pour certains, ce n’est pas un hasard.
Une loi pour limiter les abus. Etape désormais quasi-obligée pour s’insérer sur le marché du travail, le stage n’est cependant par un parcours de santé. Certains n’employeurs n’hésitent en effet pas à abuser du système en remplaçant leurs employés par des stagiaires, alors que c’est au contact des premiers que les second sont censés apprendre leur métier. Une dérive qu’on retrouve particulièrement dans certains secteurs : la communication, la publicité, certains petits sites internet, la commerce, le luxe, ou encore le secteur bancaire.
C’est pour mettre fin à ces abus que le gouvernement a décidé d’agir en faisant adopter par les parlementaires une réforme. Cette dernière limite la durée d’un stage à six mois, fixe un montant minimal d’indemnisation pour les stages de deux mois et plus, et introduit de nouveaux droits (frais de restauration et de transport notamment). Autre changement important : le texte limite le nombre de stagiaires en fonction du nombre de salariés. Or, neuf mois après l’adoption de cette réforme, le décret portant sur ce point particulier n’a toujours pas été publié.
Mais le nombre de stagiaires toujours pas encadré. L’une des mesures phares de la réforme prévoit en effet de plafonner le nombre de stagiaires en fonction de la taille de l’entreprise : les stagiaires ne doivent pas représenter plus de 10% des effectifs salariés. Pour s’adapter aux spécificités des petites entreprises, ce plafond a été fixé à 3 stagiaires maximum dans les structures de moins de 30 salariés. Si l’entreprise ne respecte ce plafond, elle s’expose à une amende.
Sauf que les fautifs ne risquent toujours rien : neuf mois après la promulgation de la loi, le décret fixant les plafonds n’a toujours pas été publié. Et les sociétés peuvent toujours faire ce qu’elles veulent.
Le patronat soupçonné de bloquer la réforme. Le collectif Génération Précaire, qui lutte contre les abus en matière de stages, s’impatiente. Et à ses yeux, l’explication est à aller chercher du côté du patronat, accusé de bloquer l’application de cette réforme. "On pense que les organisations patronales, notamment le Medef et la CGPME, incitent à ce que le décret soit plus complexe, ou qu'il soit réduit à peau de chagrin, ou alors ne soit pas publié", précise pour Europe 1 Patrick, membre du collectif. Et ce dernier d’ajouter : "ce qu’on souhaite du gouvernement, c’est qu’il sorte le décret le plus rapidement possible, que le décret soit le plus clair possible pour que dans les entreprises la loi soit correctement appliquée et que ce soit compréhensible et lisible par les manageurs dans les entreprises".
Contacté par Europe 1, le ministère du Travail reste très discret sur le sujet et explique qu’il reste des points à arbitrer. En attendant l’entrée en application du dernier volet de cette réforme, les stagiaires peuvent retrouver un "guide des droits du stagiaire", élaboré par le syndicat étudiant Unef et l'UGICT-CGT, qui résume les principales règles en la matière.