Engie : qui est Isabelle Kocher, première patronne française d’une entreprise du CAC 40 ?

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PORTRAIT - La nomination d’Isabelle Kocher à la tête d’Engie doit être officialisée mardi. Elle sera la première Française à de telles responsabilités. 

General Motors, IBM, Yahoo, Xerox, etc. : aux Etats-Unis, il n’est pas rare voir une femme diriger un grand groupe côté en Bourse. En France, c’est en revanche une exception : si l’Américaine Patricia Russo a bien été à la tête d’Alcatel-Lucent de 2006 à 2008, jamais une Française n’avait eu cet honneur*. Une anomalie qui appartient désormais au passé puisqu’Isabelle Kocher doit prendre mardi la direction d’Engie, le nouveau nom de GDF-Suez. Portrait d’une femme dont l’ascension ne doit rien au hasard.

Une formation d’excellence à la française. Née à Neuilly-sur-Seine en 1966 dans une famille qui compte de nombreux polytechniciens, Isabelle Kocher est un pur produit de l’éducation élitiste à la française : après une enfance tranquille à Versailles, durant laquelle elle s’investit dans le scoutisme et le piano, elle intègre l’exigeante Ecole normale supérieure (ENS-Ulm). Puis elle enchaîne avec l’Ecole des Mines de Paris et obtient son agrégation de physique. Cette fille d’une théologienne et d’un ancien directeur financier d’Alcatel est désormais outillée pour entamer une brillante carrière.

Des débuts dans le privé, entre industrie et finance. La carrière d’Isabelle Kocher débute en 1991 par un passage chez Safran, le spécialiste des moteurs pour l’aéronautique et l’aérospatiale, où elle est chargée de la réorganisation des ateliers de production. Dans le même temps, elle intègre la Compagnie financière Edmond de Rothschild, au sein du département Fusion et acquisition et acquiert ainsi un carnet d’adresse non négligeable. Au même moment, elle met un pied dans l’administration en étant nommée responsable du département des contrôles industriels au sein de la DRIRE Ile-de-France, un prolongement du ministère de l’Economie dans la région parisienne.

Une expérience ministérielle. Avril 1997 : Jacques Chirac décide de dissoudre l’Assemblée nationale et perd sa majorité, un tournant politique qui représente une opportunité pour Isabelle Kocher. Elle quitte alors Safran pour intégrer le ministère de l’Economie, en charge du budget des télécommunications et de la Défense, puis franchit un nouveau palier en 1999 en devenant conseillère du Premier ministre Lionel Jospin. Elle le restera jusqu’au changement de majorité en 2002.

2002, le début de l’ascension au sein de GDF Suez. Après cinq années dans le public, Isabelle Kocher revient dans le privé et intègre une société qu’elle ne quittera plus : Suez, qui fusionnera par la suite avec GDF avant de devenir Engie. Elle y franchit tous les paliers, s’occupant de la stratégie puis de l’organisation de la société, avant de prendre la direction de la branche spécialisée dans la gestion de l’eau. En 2011, cette mère de cinq enfants atteint l’antichambre du pouvoir au sein de GDF-Suez en devenant directrice générale adjointe : elle devient alors le bras droit du patron Gérard Mestrallet, qui va rapidement voir en elle sa dauphine. Lorsqu’elle est officiellement nommée directrice générale déléguée le 14 janvier 2016, Isabelle Kocher a donc déjà eu le temps de se préparer à ses futures responsabilités.

Son prochain défi : réussir la mutation d’Engie. Cette carrière en interne et cette préparation à l’exercice du pouvoir ne seront pas de trop, tant les défis qui attendent Isabelle Kocher sont nombreux. Elle va en effet devoir piloter la mutation d’Engie, pour passer du statut de producteur d’énergie à celui de spécialiste de la transition énergétique.

"L’avenir de notre groupe n’est ni dans le pétrole, ni dans le nucléaire, ni dans le gaz de schiste", affirmait-elle en mars au quotidien Le Parisien, avant d’afficher son ambition : "nous souhaitons concentrer nos investissements uniquement sur la production d’énergie bas carbone et sur des solutions intégrées et innovantes pour nos clients." En clair, s’adapter à une production d’énergie de plus en plus "verte" mais aussi plus décentralisée qui va nécessiter de mettre en place des réseaux dit intelligents pour gérer les flux d’énergie de manière optimale et en limitant les déperditions. Des réseaux dit "Smart grid" dont Engie veut devenir le spécialiste.

Si le cap est désormais clair, le chemin pour devenir  "le leader de la transition énergétique dans le monde" est plus incertain. Pour réaliser sa mue, Engie va devoir vendre des activités traditionnelles (centrale à charbon, à fioul, etc.) et investir dans les métiers de demain. L’entreprise a prévu de vendre 15 milliards d’euros d’actifs pour ensuite investir 22 milliards, sauf que cette opération intervient au moment où les prix de l’énergie sont au plus bas. Résultat, les activités classiques qu’Engie souhaite vendre perdent de leur valeur, un manque à gagner d’autant plus embarrassant que l’entreprise a perdu 4,6 milliards d’euros en 2015. C’est autant d’argent qu’Isabelle Kocher ne pourra pas investir dans ses deux priorités : l’énergie éolienne et surtout solaire.

*NB : depuis l’annonce de la nomination d’Isabelle Kocher en janvier 2016, le CAC 40 compte une autre patronne. Il s’agit de Sophie Bellon, qui a pris la succession de son père à la tête du groupe Sodexo.