C'est un chiffre étonnant : la riziculture pollue plus que le transport aérien. Mais notre chroniqueuse Fanny Agostini invite à relativiser cette donnée, mardi sur Europe 1.
"On peut penser que c'est une comparaison hasardeuse au premier abord, et bien non ! J’ose comparer du riz et des avions pour remettre un peu les choses en perspective et comprendre que la culture du riz dans le monde représente 4% des émissions de gaz à effet de serre. Les rizières sont en effet des zones d’eaux stagnantes qui rejettent beaucoup de méthane. Si on compare ces émissions liées à la riziculture à celles du trafic aérien, on comprend que le transport aérien pèse un point de pourcentage moins lourd, c’est-à-dire 3% des émissions mondiales. En définitif manger du riz a plus d’impact sur le réchauffement climatique que tous nos trajets en avion.
De l'utilité sociale de la riziculture
Mais il faut faire la distinction entre émissions de gaz à effet de serre et celles qui ne le sont pas. Le chercheur et membre du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) François Gemenne a sur ce sujet une approche très intéressante. Selon lui, il est important de faire le tri dans les émissions de gaz à effet de serre selon leur utilité sociale : le riz, si on reprend cet exemple, va servir à nourrir des millions de personnes, donc difficile de s’en passer alors que pour d’autres secteurs comme l’aviation, là, les émissions sont négociables.
Selon François Gemenne, nous devons raisonner secteur par secteur. Pour ce qui est de notre mobilité en avion, là aussi on se doit de faire un classement. On peut comprendre qu’il y a une grande différence en terme d’utilité sociale entre quelqu’un qui prend 20 fois l’avion par an pour aller faire un week-end tantôt à New York, tantôt à Venise et l’étudiant qui s’envole pour la première fois de sa vie pour aller suivre un programme Erasmus dans un pays européen et apprendre un nouvelle langue.
L'avion, réservé à une minorité de l'humanité
Pour François Gemenne, il est aussi très important d’avoir à l’esprit que l’avion n’est réservé aujourd’hui qu’à une minorité de l’humanité : seulement 15% des humains prennent l’avion. Parallèlement, notre mobilité doit transiter vers des technologies propres mais cela ne peut pas se faire d’un seul coup. Les compagnies aériennes par exemple ne vont pas changer toutes leurs flottes du jour au lendemain. Lorsqu’un avion est construit, c’est pour une durée de 20 à 30 ans.
Il va falloir donc un peu de temps pour que les énergies propres comme l’hydrogène se généralisent. L’erreur dans laquelle il ne faudrait pas tomber, c’est de dire que la mobilité propre coûte dans une premier temps trop cher pour que les gens les moins aisés puissent y avoir accès. L’enjeu pour demain est d’éviter que le fait de ne pas polluer devienne un privilège de riches et vienne faire culpabiliser encore un peu plus ceux qui n’ont pas les moyens."