De 6% à 5%, puis de 5% à 4% : le taux du Livret d'épargne populaire (LEP), réservé aux plus modestes, descend semestre après semestre à mesure que recule l'inflation, qui lui sert de boussole. Le gouverneur de la Banque de France (BdF) et le ministère de l'Economie, qui a décidé vendredi de diminuer ce taux jusqu'à 4%, en suivant les recommandations de la BdF, sont pourtant à la manœuvre pour limiter la baisse.
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Un rendement toujours "très protecteur pour l'épargne" des ménages détenteurs d'un LEP
Ils mettent en avant vendredi que ce 4% correspond à un arrondi à la hausse par rapport au résultat théorique de 3,6% donné par la formule de calcul du taux, basée sur l'indice d'évolution des prix des six derniers mois.
Ce coup de pouce jusqu'à 4% "permet aux ménages détenteurs (d'un LEP) de continuer à bénéficier d'un rendement très protecteur pour leur épargne", juge la BdF dans un communiqué. "Afin de soutenir l'épargne des classes moyennes", le ministre de l'Economie Bruno Le Maire "a décidé de continuer de stimuler le taux du Livret d'épargne populaire", embraye Bercy.
Proposés par la BdF et avalisés par le ministère, le taux du LEP et celui du Livret A sont des sujets éminemment politiques et très attendus par leurs détenteurs, qui se comptent en dizaines de millions. "Le processus de fixation des taux est compliqué par les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet", soulignait mardi dans une note Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne. Il est également au cœur du sujet du pouvoir d'achat, central dans les préoccupations des Français.
Réveil de la concurrence
L'ouverture de LEP par les nombreux épargnants éligibles en France est un cheval de bataille de Bruno Le Maire et du gouverneur de la BdF, François Villeroy de Galhau, qui ont multiplié depuis deux ans les prises de parole pour assurer sa promotion.
Ce produit d'épargne réglementée, accessible sous conditions de revenus, est détenu par 11,4 millions de Français, a précisé la BdF dans un communiqué, sur les quelque 19 millions éligibles. Son encours a gonflé de 3,95 milliards d'euros entre janvier et mai, selon les chiffres de la Caisse des dépôts (CDC). C'est moitié moins que l'an dernier à la même date.
Le Livret A et son cousin le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), aux caractéristiques proches, font eux aussi un peu moins le plein depuis le début de l'année. Avec pas loin de 578 milliards d'euros déposés sur ces deux livrets, l'appétit des Français pour ces produits, dits d'épargne réglementée, ralentit face au réveil de la concurrence mais aussi face aux dépenses de la vie quotidienne.
Les taux de ces produits restent cependant compétitifs par rapport aux autres placements à capital garanti : les fonds euros de l'assurance vie proposent en moyenne 2,65% net de frais et brut de prélèvements sociaux en 2023, selon les données de Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet spécialisé Facts & Figures.
Des taux applicables au 1er août
Sans surprise, Bruno Le Maire a maintenu vendredi le taux du Livret A, et donc celui du LDDS, à 3% jusqu'en janvier 2025, fidèle à sa décision de l'été dernier. Cette stabilisation "a déjà permis à la fois de relancer le financement du logement social, avec plus de 16 milliards de nouveaux prêts signés en 2023, et d'assurer une distribution de crédits aux PME plus abondante et à moindre coût que chez nos principaux voisins européens", précise la BdFrance.
Ce taux de 3% s'est néanmoins révélé largement défavorable pour les épargnants, qui auraient gagné bien davantage si la formule de calcul avait été strictement appliquée semestre après semestre. Le manque à gagner depuis le début de l'année dernière, du fait d'une succession d'arrondis à la baisse, approche les 6,5 milliards d'euros pour les Livrets A et LDDS, selon les calculs réalisés la semaine passée par le directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, Eric Dor.
Livrets A, LDDS et LEP sont garantis par l'Etat et exonérés d'impôts et de prélèvements sociaux. Ils sont de plus totalement liquides, c'est-à-dire que chaque titulaire peut retirer tout ou partie de ses fonds à tout moment. Les taux décidés vendredi sont applicables au 1er août.