C'était un message obscur que Julian Assange avait délivré la semaine dernière sur TF1, au lendemain de la publication de documents sur Libération et Mediapart. "Le chômage est particulièrement élevé mais il y a une raison à cela. C’est que les Etats-Unis jouent un sale jeu", avait déclaré le fondateur de WikiLeaks, promettant au passage de nouvelles révélations. C'est chose faite, lundi soir. De nouveaux documents confidentiels publiés sur Mediapart et Libération font cette fois état de la guerre économique lancée par Washington contre les intérêts français.
Une des cibles des Etats-Unis dans son espionnage de la France était donc tout ce qui pouvait toucher aux intérêts économiques stratégiques du pays. Une première note datant de 2002 définit les domaines d'intérêt, qui s'avèrent vastes : des relations économiques avec les Etats-Unis aux relations avec les institutions financières internationales (comme la Banque mondiale ou le FMI) en passant par les politiques d'échanges de la France ou les questions liées aux G8 et G20.
Tous les contrats de 200 millions de dollars ou plus. Un point important de cette note s'intitule "contrats à l'étranger/études de faisabilité/négociations". Dans une seconde note, la National security agency (NSA) invite à "rapporter toute proposition de contrats français ou d'études de faisabilité et de négociations imminents concernant des ventes ou des investissements internationaux dans des projets d'envergure ou des systèmes d'intérêt significatif pour le pays étranger hôte, ou 200 millions de dollars ou davantage en ventes et ou en services, comprenant le financement d'informations ou de projets de haut intérêt", dit la note. En somme, résume Libération, "il s’agit de récupérer toutes les informations possibles sur les contrats d’envergure impliquant des entreprises françaises, notamment ceux dépassant les 200 millions de dollars".
"Un avantage concurrentiel désastreux". Les domaines d'activité visés sont très larges : information et télécommunications, énergies, transports, environnement et santé, dont les biotechnologies. Selon Libération, avec des objectifs aussi élargis, une centaine d'entreprises françaises (publiques et privées) ont pu entrer dans le spectre de la surveillance américaine, y compris la majorité de celles cotées en bourse.
Libération indique qu'avec des informations précises sur les visées économiques des entreprises françaises, leurs concurrentes américaines auraient pu partir avec "un avantage concurrentiel potentiellement désastreux pour les sociétés françaises". De plus, la note indique que ces informations peuvent être partagées avec les alliés anglo-saxons des Etats-Unis : l'Australie, le Canada, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande.
Pour obtenir ces informations, des fonctionnaires ont été ciblés par la NSA, notamment un haut responsable du Trésor chargé de la politique commerciale, précisent les deux médias. Les anciens ministres de l'Economie François Baroin (2011-2012) et Pierre Moscovici (2012-2014) auraient ainsi été écoutés. Depuis les premières révélations de Wikileaks, la liste des hommes politiques surveillés ne cesse de s'allonger.