Les éleveurs de porcs rebroussent chemin. La section porcine de l'UGPVB (Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne) a annoncé jeudi qu'elle renonçait au prix fixé avec le gouvernement il y a tout juste trois mois. Un retournement de veste qui risque d'affecter les éleveurs les plus fragiles. Et qui suscite la "colère" du gouvernement.
De quoi parle-t-on au juste ? Le 25 juin dernier, après d'âpres négociations, l'exécutif et les producteurs s'étaient pourtant mis d'accord sur un prix de vente de porcs au kilo à 1,40 euros sur le Marché du porc breton de Plérin, dans les Côtes d'Armor, qui sert de référence nationale. Le but de ce prix dit "politique": éviter un prix trop bas pour éviter la faillite aux éleveurs les plus en difficulté. Le hic ? À 1,40 euros le kilo, le porc ne se vendait presque plus, jugé trop cher par beaucoup d'autres acteurs du secteur.
Pourquoi les éleveurs reviennent en arrière. Interrogé jeudi par l'AFP sur cette nouvelle annonce paradoxale, le président de l'UGPVB, Michel Bloc'h, a tenté une explication : "On souhaite que le marché re-fonctionne normalement. Si on continue dans cette voie, il n'y aura plus de marché, les opérateurs n'y viendront plus", en raison de la déconnexion avec les prix pratiqués dans les autres pays producteurs européens. L'UGPVB a demandé dans un communiqué aux abatteurs, y compris de la grande distribution qui continuaient à soutenir le "1,40 euro" (Système U par exemple), "de ne plus acheter" à ce prix là.
Le refus en août de deux des principaux acheteurs de viande de porc, Bigard et la Cooperl, de payer ce prix, et leur retrait du marché, avait fragilisé la filière et entraîné de vives tensions entre les producteurs eux-mêmes. Bigard a en outre annoncé la semaine dernière sa volonté d'acheter tous ses porcs 5 centimes en dessous du cours du Marché du porc breton. "Si on n'avait pas pris cette décision, c'était le dernier marché aujourd'hui", assure Michel Bloc'h. Et d'enchaîner : "les Allemands ont fait moins six centimes hier. On ne peut pas rester sur un prix politique (le 1,40 euro)".
Une décision loin de faire l'unanimité. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a, lui, fait part de sa "colère" vendredi après la décision de l'UGPVB. "Parce que les producteurs de porcs avaient demandé à ce qu'on revalorise leur prix compte tenu de la difficulté dans laquelle ils étaient, on avait trouvé un accord commun entre les producteurs, les industriels et la grande distribution", a rappelé le ministre sur France Info. "Là, c'est l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne qui a demandé à ce que le prix baisse. A partir de là, chacun assumera ses responsabilités", a-t-il déclaré. En d'autres termes : ce ne sera pas de sa faute si cette décision s'avère fatale pour les petits producteurs, ceux qui ne sont pas clients de Bigard ou Cooperl et ne peuvent pas survivre avec un prix si bas.