L’abnégation des retraités va-t-elle finir par porter ses fruits ? Alors qu’ils descendent dans la rue pour la quatrième fois depuis le début de l’année pour défendre leur pouvoir d’achat, les seniors pourraient recevoir un coup de pouce inattendu de la part des députés. Un amendement de la majorité visant à rendre progressive la hausse de la CSG a été adopté mardi en commission contre l’avis du gouvernement. Si les chances sont minces de voir cet amendement inscrit dans le texte final du budget 2019, l’idée pourrait germer au sein de La République en marche.
Faire payer moins les retraités les plus modestes. Porté par le député LREM du Vaucluse Jean-François Césarini, l’amendement adopté en commission des Affaires sociales instaurerait une CSG progressive pour les retraités, avec cinq tranches, et en amortirait ainsi le coût pour ceux aux revenus les plus modestes. Ainsi, un retraité seul qui gagne entre 1.200 et 1.600 euros nets par mois devrait payer une CSG de 6,6%, contre 8,3% actuellement (augmentation de 1,7 point incluse). À l’inverse, les retraités touchant plus de 3.000 euros mensuels seraient soumis à un taux de 9,2%.
Une telle mesure "de justice sociale" permettrait, selon Jean-François Césarini, d’éviter les "effets de seuil brutaux". "On n’est pas riche à 1.200 euros par mois de retraite. Ces personnes encaissent une hausse d’1,7 point de leur CSG qui n’a pas le même impact pour un retraité dont la pension est à 3.000 euros par mois", a-t-il martelé au Parisien. Si le député du Vaucluse a réussi à faire passer cet amendement, c’est parce qu’il n’était pas si isolé que cela, malgré l’opposition du gouvernement et des chefs de fil de son propre groupe : au total, 21 députés LREM ont cosigné le texte, également soutenu en commission par une partie de l’opposition.
" En quoi une CSG progressive est plus injuste qu'une CSG uniforme ? "
Divisions au sein de la majorité. Un petit couac pour la majorité, d’autant plus que la séance a donné lieu à une passe d’armes entre Jean-François Césarini et Olivier Veran, rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). "En quoi une CSG progressive est plus injuste qu'une CSG uniforme ?", a demandé le député porteur de l’amendement. Réponse d’Olivier Veran : "En votant cet amendement, on va dire aux Français qui sont au-dessus de 2.500 euros de revenus mensuels qu'ils auront une augmentation de CSG de 1% ! On n'est pas dans la progressivité…".
Malgré ce coup d’éclat, l’amendement a peu de chances de voir le jour. L’examen du budget de la Sécu en séance plénière se fait en effet sur la base du texte présenté par le gouvernement, donc sans l’amendement des "frondeurs". "C'est avant tout un amendement adopté par une opposition un peu goguenarde qui a voulu faire un coup politique parce que nous étions un peu fragile à cette heure de la soirée… La semaine prochaine les choses seront réglées dans l'hémicycle", a assuré Olivier Veran après la séance, sur LCP.
Opposition du gouvernement. Lors du vote du budget de la Sécu, le gouvernement devrait par ailleurs faire barrage à cet amendement, "une mauvaise idée", juge-t-on du côté de l’exécutif, qui estime que les retraités possiblement avantagés ne verraient même pas la différence sur leur pension. Pour autant, le "camp" de Jean-François Césarini ne perd pas espoir. De 21, le nombre de cosignataires a déjà plus que doublé depuis mardi. Dans l’entourage du député, on se défend de vouloir lancer une "fronde" et on estime que l’amendement "fait réfléchir, notamment au sein de la majorité". "Le président est dans une séquence compliquée", estime-t-on dans les rangs des cosignataires, ce qui devrait le rendre "attentif à cette mesure de justice sociale".
Qu'en pensent les retraités ?
Au-delà du débat parlementaire, la proposition séduit-elle les principaux intéressés, à savoir les retraités ? Pas complètement à les écouter. "Nous sommes contre l’augmentation de la CSG, pour les retraités et les autres contribuables, et qu’elle soit progressive ou pas", martèle-t-on du côté de la branche retraites du syndicat Solidaires. Christian, ancien ingénieur informatique adhérent à la CGT-Retraités croisé dans la manifestation de jeudi, est du même avis : "C'est une rustine ! Au final, on prend toujours à ceux qui ont peu pour donner à ceux qui ont beaucoup".
En revanche, du côté de la CFTC, on se dit prêt à considérer cette mesure. À la CFDT, on prête également une oreille attentive. "C'est une première forme de prise de conscience de nos revendications", admet Ombretta Frache, secrétaire nationale de la CFDT-Retraités. "Mais ce n'est pas la bonne réponse, nous continuons à dénoncer une mesure injuste", ajoute-t-elle, avant d'insister sur un autre point : "la sous-indexation des pensions qui induit une dévaluation des revenus des retraités".