Chauffeur Privé s’exporte. Créée en mars 2012, la plateforme française - l’une des principales concurrentes d’Uber dans le secteur des VTC -, opérait jusqu’ici à Paris, en région lyonnaise et sur la Côte-d’Azur. Désormais bien implantée sur ce marché très concurrentiel, Chauffeur Privé a décidé de changer d’échelle en se lançant, dès aujourd’hui, à Lisbonne, au Portugal, comme l’annonce Yan Hascoet, cofondateur et PDG, au micro d’Europe 1. "Lisbonne est la première de nombreuses capitales européennes : on va se lancer dans une dizaine de villes dans les 12 à 24 prochains mois", a-t-il précisé lors de l’interview éco d’Emmanuel Duteil, lundi.
Lisbonne, une ville laboratoire. Pourquoi démarrer cette expansion au Portugal ? "On a commencé par Lisbonne pour plusieurs raisons. Il y a là-bas un environnement réglementaire favorable et apaisé. Ensuite, c’est un marché qui nous permet de tester la plateforme pour l’international. Lisbonne est située dans un fuseau horaire différent de Paris, ce qui pose des contraintes techniques qu’il faut pouvoir tester en conditions réelles", explique Yan Hascoet. Et la suite ? La liste des capitales visées n’est "pas encore définitivement arrêtée". Rome, Londres, Berlin ? "Vous n’êtes pas très loin", lâche simplement Yan Hascoet, qui n’en dira pas plus.
Si Chauffeur Privé peut aujourd’hui se développer à l’international, c’est grâce à l’apport de Daimler. Le constructeur allemand est devenu en décembre 2017 le premier actionnaire de la start-up française. "C’est un acteur qui nous permet de nous étendre dans d’autres pays. Il nous finance et c’est essentiel pour supporter les gros investissements nécessaires pour développer la boîte à l’étranger", soutient Yan Hascoet.
L’examen pour les chauffeurs, une obligation "absurde". Pour autant, le cofondateur de Chauffeur Privé écarte momentanément toute extension du service à d’autres grandes villes françaises. "À long terme peut-être, mais ce n’est pas la priorité actuellement", précise Yan Hascoet. Il évoque deux raisons à cette temporisation : "D’abord, les VTC fonctionnent mieux dans les villes de deux millions d’habitants que dans celles de 100.000 habitants. Ensuite, la réglementation est une autre raison pour laquelle nous n’explorons même pas les autres villes françaises".
Le patron de Chauffeur Privé est très remonté contre les autorités françaises et le nouvel examen instauré en 2018 pour devenir chauffeur de VTC. "Depuis neuf mois, il faut passer par un parcours du combattant de plusieurs mois et passer des examens absurdes pour devenir chauffeur", regrette-t-il. Résultat, Yan Hascoet confirme avoir "énormément" de mal à recruter. "En mai, sur environ 12.000 candidats à l’examen pour devenir chauffeur VTC, 90% n’ont pas été jugés aptes", illustre-t-il. De nouvelles obligations qui privent le secteur, sur Paris uniquement, de "10.000 chauffeurs dans l’immédiat et jusqu’à 30.000 sur le long terme", selon le patron de Chauffeur Privé.
Sceptique sur la viabilité de Kolett. Cette nouvelle réglementation n’a pourtant pas empêché un nouvel entrant de tenter sa chance. Kolett, application de VTC réservée aux femmes, avec uniquement des femmes chauffeurs, a été lancée le 12 septembre. "Toute initiative nouvelle sur le marché est intéressante. Cela étant, il y a une problématique avec ces métiers-là : il faut atteindre une taille critique importante pour que cela fonctionne", rappelle Yan Hascoet.
"Il faut que le client puisse trouver une voiture assez rapidement et que le chauffeur ait suffisamment de courses pour gagner sa vie. Chez Chauffeur Privé, nous avons 1% de femmes chauffeurs. Si vous restreignez les chauffeurs uniquement aux femmes, vous vous privez de 99% du marché", explique-t-il. "Avec une telle contrainte, c’est comme courir un sprint avec deux boulets aux pieds. Personnellement, je ne verrais pas comment faire fonctionner ce service."
Patron incognito
Pour ses déplacements, Yan Hascoet a recours à… Chauffeur Privé bien sûr. "Je suis le premier utilisateur de Chauffeur Privé, j’en suis à environ 1.000 courses depuis la création de la boîte." Évidemment, il ne paye pas ses courses, privilège du patron, mais il en profite pour observer ses chauffeurs. "C’est une bonne façon de jouer le client mystère, puisque bien souvent les chauffeurs ne me reconnaissent pas. Je remplis à chaque fois une fiche pour voir ce qui va et ce qu’on pourrait améliorer."