La plupart des entreprises n’apprécient guère Facebook, perçu comme un divertissement chronophage et rarement compatible avec le travail. Mais les employeurs pourraient bientôt changer d’avis puisque Facebook a lancé lundi un nouveau service conçu expressément pour les entreprises : WorkPlace, anciennement Facebook @Work. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que cela change ? Passage en revue des nombreuses questions posées par l’arrivée de Facebook dans le monde de l’entreprise.
• Qu’est-ce que WorkPlace ? Cette nouvelle plate-forme est une déclinaison professionnelle de Facebook, dans laquelle le bleu traditionnel de Facebook est remplacé par le gris. Pour le reste, WorkPlace ressemble énormément à la version traditionnelle avec un fil info, une messagerie, un agenda, un gestionnaire événements, etc. Cette nouvelle version permet en outre d’échanger des données et de les stocker en ligne. WorkPlace est donc à mi-chemin entre le réseau social d’entreprise et l’intranet. Tout le monde ne peut donc pas y avoir accès : c’est l’employeur souscrivant à ce service payant qui décide des personnes pouvant accéder à ce service censé ne servir qu’à l’entreprise. Pour éviter le mélange des genres, Facebook a décidé de développer une application spécifique à ce service.
• Quel est l’intérêt d’un tel outil ? WorkPlace permet de rompre avec l’image vieillotte des intranets pour renouveler et revivifier la communication interne à une entreprise. Les employés peuvent se retrouver dans des groupes pour échanger sur leurs expériences professionnelles, évoquer les problèmes qu’ils rencontrent ou lancer des appels à l’aide pour résoudre un problème. WorkPlace peut également faciliter le travail en équipe lorsque les employés sont répartis sur plusieurs sites ou pays. Il est également possible d’y héberger des tutoriels pour compléter la formation de chacun. Le service de communication de l’entreprise peut en outre plus facilement diffuser des communiqués internes ou, par exemple, la vidéo du discours annuel du PDG.
Ce nouveau réseau social doit donc faciliter les interactions et, accessoirement, rompre avec la communication classique du haut vers le bas de l’entreprise pour passer à des échanges plus horizontaux. Il est cependant encore trop tôt pour savoir si cet outil ne servira qu’à la communication ou s’il facilitera aussi la collaboration.
WorkPlace présente en outre un autre avantage, et pas des moindres : cette plate-forme reprend l’interface et l’ergonomie du Facebook "canal historique". Ses utilisateurs ne seront donc pas perdus et la plupart n’auront pas besoin d’une formation pour se familiariser avec cet outil. Enfin, connectés à la version professionnelle, les employés passeront moins de temps sur le Facebook traditionnel, celui des photographies de vacances, des LOL cats et autres selfies. Un plus indéniable pour l'entreprise.
• Ce service est-il payant ? À la différence de la version classique, les entreprises qui souhaitent utiliser cette déclinaison professionnelle devront payer. Aucun tarif n’a encore été communiqué mais il se murmure que ce service coûterait jusqu’à trois dollars (2,70 euros) par utilisateurs actifs et par mois. Facebook a néanmoins prévu de proposer ses services gratuitement pendant les premiers mois, probablement jusqu’au 1er janvier 2017, afin que les entreprises puissent l’essayer.
• Un employé est-il être obligé de l’utiliser ? Dans la phase de test, comme ce fut le cas au sein du groupe Lagardère (maison-mère d’Europe 1, ndlr), l’utilisation de ce nouvel outil est purement volontaire. Chacun choisit donc de jouer le jeu ou non. Mais à moyen terme, il sera difficile pour un salarié de refuser de s’en servir si son entreprise décide de basculer une grande partie de ses échanges professionnels sur cette plate-forme.
• Peut-on tout y dire ? Dans WorkPlace, il y a bien sûr le côté convivial de Facebook mais aussi et surtout la dimension professionnelle. En clair, c’est un outil de travail et l’employé doit y avoir un comportement correct et loyal vis-à-vis de ses collègues et de son employeur. Au passage, ce devoir de loyauté et de discrétion ne se limite pas à WorkPlace : un employé ne doit pas non plus discréditer ou insulter son entreprise sur la version classique de Facebook ou sur tout autre réseau social : plusieurs travailleurs en ont fait l’amère expérience et ont vu leur licenciement pour faute validé par la justice. Il est donc conseillé de ne pas dire n’importe quoi sur Facebook WorkPlace, d’autant plus que l’entreprise qui décide d’utiliser la version pro a accès à toutes les données échangées et publiées par ses employés sur la version professionnelle, quels que soient leurs réglages de confidentialité.
• Quelles sécurité et confidentialité ? Côté sécurité, Facebook assure être totalement maître des données qui sont échangées sur son réseau puisqu’il les héberge sur ses propres serveurs. Les utilisateurs bénéficient donc d’un niveau élevé de sécurité, mais encore faut-il savoir de quelle menace il est question : si les hackers auront plus de mal à s’y introduire et à y dérober des données que sur un site lambda, il est légitime de se demander si les services de renseignements américains ne se sont pas réservés un accès discret à ces données. Or l’espionnage ne se limite pas à l'antiterrorisme, il est aussi économique.
Côté confidentialité, Facebook a bien anticipé le fait que de nombreux employés ne souhaitent pas que leur employeur puisse tomber sur le profil personnel. L’accès à la version professionnelle nécessite donc de créer un nouveau compte pro, qui est séparé du compte perso (même s'il est possible d'utiliser les mêmes identifiant et mot de passe). Cette séparation n’est pas anecdotique : l’employeur qui décide d’utiliser WorkPlace a en effet accès à tous les messages postés par ses collaborateurs. Reste une dernière question à éclaircir : Facebook va-t-il scanner les informations publiées et le comportement des utilisateurs pour enrichir leur profil à des fins publicitaires ?
• Pourquoi les projets de réseaux sociaux pro se multiplient ? WorkPlace n’arrive pas sur un terrain vierge puisque de très nombreuses entreprises proposent déjà des outils de communication et/ou de collaboration en ligne : LinkedIn, Slack, Yammer, Jive ou encore IBM, qui propose des solutions sur mesure. Mais pourquoi une telle ruée ? Tout simplement parce qu’une bonne partie de l’activité des entreprises s’est dématérialisée et nécessite donc des outils pour en faciliter la gestion. Or, à la différence des internautes qui rechignent encore à payer pour un tel service (devenant du coup eux-mêmes le produit), les entreprises sont prêtes à dépenser de l’argent. Il y a donc de l’argent à se faire, d’autant que la mondialisation, l’uberisation et le développement du télétravail rendent ce genre de service encore plus utile.
Quels sont les premiers retours ? Certaines entreprises expérimentant WorkPlace depuis des mois, des sites ont eu la bonne idée de leur demander ce qu’ils en pensaient. Leur bilan après six mois d’utilisation est mitigé : tous louent la facilité d’utilisation et le fait qu’il n’est pas nécessaire de former les employés. Le fait de disposer d’une version mobile est également un atout fréquemment mis en avant. En revanche, certains reprochent à WorkPlace de ne pas pouvoir être adapté aux besoins sur mesure de l’entreprise, à la différence des offres concurrentes. Et, surtout, si cet outil est unanimement vu comme un moyen d’améliorer la communication interne, beaucoup doutent de sa capacité à favoriser la collaboration entre employés.