Y a-t-il une mentalité identique dans l'entrepreneuriat entre les femmes et les hommes ? Non, répond catégoriquement Céline Lazorthes. La fondatrice de Leetchi et de Mangopay, deux solutions pensées pour faciliter respectivement les cagnotte et le paiement en ligne, estime que les femmes voient moins grand, notamment lorsqu'il s'agit de lever des fonds. Invitée de La France bouge, lundi, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, la cheffe d'entreprise livre son expérience d'un plafond de verre qu'elle n'a pas tout de suite vu.
"J'avais la naïveté pour moi", raconte sur Europe 1 Céline Lazorthes à propos du début de sa carrière. "J'étais naïve aux barrières qui existent. Pour le financement de Leetchi (fondée en 2009) et Mangopay (en 2013), j'ai levé 7 millions d'euros. C'est très peu. Un homme aurait peut-être levé 50 ou 70 millions d'euros. En réalité, je me suis aussi battue avec les moyens qu'on m'a donnés", insiste la dirigeante de 38 ans sur cette différence, criante dans le monde des nouvelles technologies.
Levées de fonds différentes
Un schéma différentiel selon le sexe qui, selon elle, s'applique à l'ensemble de l'économie et au monde des start-up en particulier. "Ce qui a été prouvé, c'est que les femmes demandent ce dont elles ont besoin, alors que les hommes demandent probablement beaucoup plus, trois fois plus, par exemple. Un VC (venture capitalist, ndlr), qui est un investisseur, va prendre un business plan et va se dire 'si elle dit qu'elle va faire 100, en réalité, dans les faits, elle va faire 50. C'est la même chose pour un homme, donc on va la financer à cette valorisation-là'. Du coup, les femmes se retrouvent avec des plus petits budgets et des montants de valorisation inférieurs. Par contre, une femme, quand elle dit 'je vais faire 100', en fait, elle fait 100."
" À chaque fois, je me dis 'p*****, t'es là parce que t'es une femme' "
Comment expliquer cette différence d'attitude par rapport aux hommes dans le monde de l'entreprise ? "On n'a pas la même approche", assure Céline Lazorthes. "Les hommes vendent plus, sont habitués à mieux se vendre, à prendre la parole en public, à maîtriser l'espace." Un développement plus facile de ces compétences, qui remonte à la cour d'école, d'après la cheffe d'entreprise, également co-fondatrice de Sista, structure qui vise à faire émerger une génération de leaders diversifiés dans les entreprises.
Le "poids" d'une phrase
Le plafond de verre, Céline Lazorthes s'en est aussi rendue compte au moment d'intégrer, il y a quelques mois, les conseils d'administration de SNCF et d'Iliad. "Quand j'ai raconté ça à un dirigeant de la tech, il m'a dit naïvement 'c'est vachement bien, la discrimination positive'. Non, je ne suis pas là parce que je suis une femme ! Je suis là parce que je suis compétente. Je n'ai pas toutes les compétences, mais j'en ai certaines à apporter sur la table", souligne-t-elle. "Ça m'a créé quelque chose. À chaque fois que je passe la porte d'un des boards, je me dis 'p*****, t'es là parce que t'es une femme'. C'est dur. En fait, cette phrase-là a un poids pour moi qui est important."
Au moment d'entreprendre, il y a donc "des tas de barrières", résume Céline Lazorthes. "Mais ce qu'il faut dire aux jeunes femmes et aux femmes en général, c'est qu'entreprendre, c'est possible. C'est une vie très riche, faite de rencontres passionnantes et compatible avec les rêves des uns et des autres. Il n'y a pas de raison qu'il y ait moins de femmes."