Après la présentation des grandes lignes de son "plan climat" début juillet, Nicolas Hulot passe à l’action. Le ministre de la Transition écologique et solidaire a présenté mercredi, en Conseil des ministres, son "projet de loi relatif à l'interdiction de l'exploitation des hydrocarbures". Objectif de ce paquet de mesures : lutter contre le réchauffement climatique en amorçant "la sortie progressive de la production d'hydrocarbures sur le territoire français à l'horizon 2040". Un choix essentiellement symbolique, tant la production française de pétrole et de gaz naturel est marginale.
1% du pétrole consommé vient de France. En effet, en 2016, la production d’hydrocarbures sur notre territoire n’a représenté que 1% de notre consommation, avec 815.000 tonnes de pétrole (six millions de barils par an) et 400 millions de mètres cubes de gaz. Le canadien Vermilion est le principal producteur du pays mais la France importe massivement ses hydrocarbures. Il ne reste que 63 concessions en cours de validité, concentrées dans les bassins parisien et aquitain. Symbole de l’abandon progressif de l’extraction d’hydrocarbures en France, le seul gisement d'importance, celui de gaz à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, découvert en 1951, a cessé d’être exploité en 2013.
" C'est un projet symbolique qui ne présente que des inconvénients pour le pays "
Laisser le temps au secteur de se préparer. Étant donnés la faible production actuelle et les enjeux économiques limités (1.500 emplois directs sont concernés), la date de 2040 paraît même plutôt tardive. Elle répond en réalité à un double impératif, afin surtout de décourager l'utilisation de ces hydrocarbures. Il s’agit d’abord de l’échéance des dernières concessions en cours de validité. Concrètement, l’État n'attribuera donc plus de nouveaux permis d'exploration et ne renouvellera pas les concessions d'exploitation existantes au-delà de 2040. Le délai doit également permettre aux industriels de préparer la transition vers de nouvelles sources d’énergie.
La loi fermera aussi définitivement la porte aux hydrocarbures dits non conventionnels (comme le gaz de schiste), en précisant que l'interdiction de l’exploitation par fracture hydraulique décidée en 2011 est à présent étendue, "quelle que soit la technique utilisée".
Ainsi, pour ne pas brusquer les entreprises du secteur, le projet de loi permettra encore la prolongation des permis exclusifs de recherche déjà attribués. Également, en cas de découverte d'un gisement dans le cadre d'un contrat d'exploration, une concession d'exploitation pourra être octroyée, jusqu'en 2040 au plus tard. Par ailleurs, le gaz de mine (grisou) continuera à être capté pour des raisons de sécurité et de protection de l'environnement : à cause de son caractère explosif dangereux. La captation servira donc à sécuriser les gisements afin d'éviter tout accident.
Les industriels mécontents. Le projet de loi provoque malgré tout la colère de certains acteurs du secteur pétrolier. "C'est un projet symbolique, politique, et qui ne présente que des inconvénients pour le pays", critique Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP). "Il n'aura aucun impact sur la consommation de pétrole et conduira à augmenter les émissions de gaz à effet de serre puisque ce qu'on ne produit pas en France, il faudra l'importer", souligne-t-il.
Mais l'argumentaire des industriels est contestable. En effet, l’interdiction de la production d'hydrocarbures est concomitante avec la fin de la vente des voitures à essence et diesel, également d'ici 2040. Également annoncée par Nicolas Hulot en juillet, il s'agit d'une interdiction progressive qui doit inciter les conducteurs d'un côté, et les constructeurs automobiles de l'autre, à se tourner vers les véhicules à motorisation propre. Cette mesure devrait donc logiquement entraîner la consommation d'essence - et donc de pétrole importé - à la baisse, indépendamment du devenir de la production française.
"Pour nous, en tant qu'investisseurs en France depuis 20 ans, c'est vraiment inacceptable qu'un gouvernement, du jour au lendemain, dise ‘désolé, votre activité va s'arrêter, les concessions ne seront pas renouvelées’", réagit Jean-Pascal Simard, directeur des relations publiques et affaires gouvernementales de l’entreprise Vermilion en France. Les concessions sont en effet octroyées pour un nombre limité d'années. Vermilion possède 26 concessions en France, dont certaines expirent à partir de 2019. Un cas en particulier fait grogner les industriels : la Guyane, où les recherches de gisements s’étaient révélées prometteuses récemment. "Quand vous voyez le temps que ça prend pour explorer, découvrir, investir, amortir… Il faut nous laisser un temps raisonnable pour préparer notre transition", plaide-t-il.
Les écologistes satisfaits. Un argument qui ne tient pas pour les associations écologistes. "Dans le cadre de la transition énergétique, il va falloir se passer ou tout du moins fortement diminuer notre consommation en énergie fossile", rappelle Jane Buisson, une responsable de Nature environnement 77. Et certaines concessions courent encore jusqu'en 2038, explique-t-elle, ajoutant : "ça leur laisse quand même un peu de temps pour se retourner". Michel Dubromel, président de France nature environnement (FNE), complète et résume l’intérêt du projet de loi : "ce dossier porte un message politique important. Il y a là un signal, et on est satisfait".