Les banques s’acharnent-elles sur les plus modestes ? C’est en tout cas ce que dénonce le magazine 60 millions de consommateurs dans une enquête réalisée en partenariat avec l’Union nationale des familles (Unaf). Il apparaît qu’"un client standard verse chaque année 34 euros de frais liés à un solde débiteur", alors que "pour le consommateur en difficulté, c’est presque dix fois plus : 296 euros en moyenne". De manière générale, les frais et commissions ponctionnés par les banques à leurs clients en cas de dépassement de découvert ressemblent parfois à une double peine.
Sans découvert autorisé, les frais explosent. Les banques proposent toutes des forfaits autorisant des découverts, avec différents seuils possibles. Évidemment, ces forfaits impliquent généralement un surcoût par rapport au tarif de base des comptes bancaires. Mais avec un découvert, un paiement sans provision passe moyennant "seulement" quelques euros d’agios. Surtout, le découvert offre une marge de manœuvre plus importante.
C’est quand le solde du compte d’un client descend en dessous du découvert autorisé que les frais explosent. Si un prélèvement inattendu ou mal anticipé dépasse le seuil autorisé, la banque a deux options : accepter ou rejeter le paiement. Dans le premier cas, considéré comme un service rendu au client, la banque se réserve le droit de facturer une commission d’intervention. D’un montant forfaitaire de huit euros, elle sert théoriquement à rémunérer le travail d’analyse effectué par le conseiller avant d’accepter ou rejeter le paiement.
Commission injustifiée une fois sur deux. Sauf que, pour 60 millions de consommateurs, cette commission d’intervention a été détournée de sa fonction initiale. S’appuyant sur une consultation menée par la CGT Banque et Assurance auprès des conseillers adhérents, le magazine révèle que plus de la moitié des analyses sont désormais automatisées. Seuls 10% des conseillers affirment que la facturation d’une commission d’intervention implique systématiquement une intervention humaine, alors que 54% assurent que la décision est entièrement automatisée.
En effet, en cas de dépassement de découvert, le conseiller du client reçoit une alerte informatique avec une préconisation (acceptation ou rejet du paiement), déterminée en fonction des informations disponibles sur le titulaire du compte. Le conseiller peut aller contre l’avis préconisé mais il doit alors fournir une justification. "Bien souvent donc, le conseiller se fie à ce que propose le système informatique", assure l’un d’entre eux, cité dans l’enquête. Autrement dit, les huit euros de commission d’intervention rémunèrent le simple fait d’accepter une décision automatisée et non un travail d’analyse humain.
Prélèvement ubuesques. Dans l’autre cas de figure - le rejet de paiement en cas de dépassement de découvert, la facture peut aussi être salée pour les clients. La banque prélève automatiquement 50 euros pour un chèque sans provision d’un montant supérieur à 50 euros, 30 euros pour un chèque de moins de 50 euros et 20 euros pour un prélèvement rejeté. Ce qui donne parfois lieu à des situations ubuesques où un client peut voir sa banque rejeter un chèque de 20 euros qu’il ne peut pas honorer… et le ponctionner de 30 euros dans le même temps. Sans compter qu’il faut ajouter les "lettres d’information de compte débiteur non autorisé", destinées à prévenir le client, et facturées en moyenne 14 euros par les banques, alors qu'elles sont automatiques, détaille 60 millions de consommateurs.
Remboursement difficile. Si ces commissions sont imposées, il est toutefois possible de négocier un remboursement avec sa banque. Pour cela, il faut adresser un courrier type à son conseiller ou voir avec lui par téléphone. En fonction de la justification et de l’historique bancaire du client, la banque peut accepter de rembourser les frais ponctionnés. Mais tout le monde ne semble pas logé à la même enseigne : l’enquête de 60 millions de consommateurs indique que 28% des clients "lambda" parviennent à se faire rembourser plus de la moitié du montant des commissions, contre seulement 4% des clients dits "fragiles". "On peut négocier, mais c'est plus facile quand on a des revenus élevés", relève Fabien Tocqué, coordinateur du pôle économique de l’UNAF et invité d'Europe Midi.
Pire, selon la CGT Banque, "plus d’un conseiller sur trois a des restrictions ou des consignes pour ne pas trop rétrocéder au client frappé par ces frais". Résultat, "seul un gros tiers" des clients frappés par une multiplication des frais bancaires obtient un remboursement partiel, "souvent sur des montants très faibles, de 5 à 10% des frais".
Invités d'Europe Midi, Régis Dos Santos, Président du SNB/CFE-CGC (Syndicat National de la Banque) et Fabien Tocqué, coordinateur du pôle économique de l’UNAF (Union nationale des familles), débattent des pratiques bancaires en matière de commissions :