Dans toutes les boulangeries, elles appâtent les clients avec leur dorure. Depuis dimanche, les Français ont de nouveau succombé à la tradition de la galette des rois. Un vrai phénomène culinaire puisqu'il se vend plus de 30 millions de galettes chaque année au mois de janvier. Mais quantité ne rime pas forcément avec qualité. Selon certaines estimations, non officielles, 80% des galettes vendues en boulangerie seraient industrielles. Une solution de facilité qui garantit aussi des marges plus importantes sur un produit relativement coûteux à produire.
Des ingrédients coûteux. En effet, la galette des rois, c’est un peu plus que de la pâte feuilletée et du beurre. Les bonnes galettes à la frangipane nécessitent des produits de qualité : beurre AOP pour la pâte feuilletée, farine de meunier de premier ordre, amandes véritables, etc. Or, tout cela coûte cher. En un an, le prix du beurre a augmenté en moyenne de plus de 60%, notamment à cause de la pénurie. Idem pour le prix de l’amande qui a flambé dernièrement à cause de la sécheresse en Californie, premier producteur mondial de ce fruit sec. Un kilo d’amandes entières se paye aujourd’hui autour de dix euros. Résultat, le prix brut de la galette a augmenté.
La hausse des prix des matières premières touchent autant les galettes artisanales que les industrielles. A la différence près que les galettes d’usine sont fabriquées avec des ingrédients premier prix, tandis que les boulangers attachés à la qualité s’efforcent d’utiliser des produits supérieurs. A cela, il faut ajouter la main d’œuvre. La particularité de la galette des rois par rapport aux autres gâteaux, c’est la fabrication de la pâte feuilletée qui nécessite plusieurs longs temps de pause. Fabriquer soi-même sa galette de A à Z nécessite donc d’avoir du personnel et du temps à y consacrer. Chose que les petits boulangers ne peuvent pas toujours se permettre.
" C’est du boulot de faire une galette artisanale "
Rentabilité limitée pour l’artisanal. Dès lors, comment résister aux galettes industrielles ? Vendues moins de cinq euros par les grossistes, il est possible de les revendre en boulangerie cinq fois plus cher et donc de gagner du temps tout en augmentant sensiblement sa marge. "C’est du boulot de faire une galette artisanale. A part les grands pâtissiers, plus personne ne prend trois jours pour faire ses galettes", confie à Europe1.fr un boulanger souhaitant rester anonyme, le recours aux galettes industrielles n’étant pas franchement bien vu aux yeux du public.
Les galettes industrielles, pas si mauvaises que ça. Depuis quelques années, le phénomène prend de l’ampleur. "Il y a de plus en plus d’industriel dans les galettes vendues en boulangerie", confirme Matthieu Labbé, directeur général de la Fédération des entrepreneurs de la boulangerie (FEB). Mais, selon lui, il ne faut pas crier au loup trop vite. "Si les boulangers y ont de plus en plus recours, c’est aussi parce que la fabrication industrielle est montée en gamme. Les ingrédients et les recettes sont sensiblement les mêmes que pour l’artisanal. Seule la production diffère", assure Matthieu Labbé.
Difficile donc de faire la différence au palais, dans les galettes d’entrée de gamme, entre le fait maison et l’industriel. "Il y a trois ans, un boulanger a reçu le prix de la meilleure galette de son département alors que c’était de l’industriel", se rappelle Matthieu Labbé. Et les clients ne voient pas toujours la différence. "L’habit ne fait pas le moine, ce n’est pas parce qu’une galette est belle qu’elle est forcément bonne. Et inversement", précise le directeur général de la FEB.
Manque de transparence. Problème : les clients ne sont pas vraiment informés. Le label "artisan boulanger" garantit uniquement la fabrication sur place des pains mais ne concerne pas les viennoiseries et les pâtisseries. Votre boulanger peut donc être un artisan mais vendre des galettes industrielles, ce n’est pas illégal. Il n’y a pas non plus d’obligation d’afficher si le produit est fait maison ou pas. Une faille que regrette UFC-Que Choisir. L’association de défense des consommateurs réclame depuis trois ans une certification supplémentaire.
"Ce qu’il faut, c’est une plus grande transparence sur la fabrication des pâtisseries, pas seulement des galettes", abonde un acteur majeur du secteur, souhaitant aussi rester anonyme. "Aujourd’hui, 80% des viennoiseries sortent d’usines. Ça facilite la vie des artisans et ils n’ont aucun intérêt à voir arriver une obligation de transparence." Faute de certification, les clients peuvent toujours demander des précisions à leur boulanger. Mais in fine, c’est à la dégustation que chacun trouvera la galette qu’il préfère.