Les remparts qui séparent la Grèce et ses créanciers d'un accord sont solides, mais ils tombent peu à peu. "Les discussions commencent à porter leurs fruits", assurait mardi matin Pierre Moscovici, le Commissaire européen à l'Economie. "Nous aurons un accord avec la Grèce", martèle aussi mercredi le ministre des Finances italien, Pier Carlo Padoan, en marge d'une conférence de l'OCDE. Malgré cet optimisme, les discussions organisées mercredi soir n'ont abouti sur aucun accord.
Athènes et ses créanciers (FMI, BCE et Union européenne en tête) ont chacun envoyé leurs propositions pour un accord autour de la dette. Pour une fois, tous les créanciers semblent s'être mis d'accord sur leurs exigences. Et à force de compromis, les points de divergences diminuent. Mais ceux qui restent font de la résistance. Et la menace du Grexit continue de prendre de l'ampleur.
Le compte à rebours s'accélère. Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, doit rencontrer Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, mercredi soir, pour poursuivre les discussions. Les ministres des Finances de la zone euro doivent également s'entretenir le même jour pour décider d'une éventuelle date pour un Eurogroupe exceptionnel, afin de régler une bonne fois pour toute le dossier du futur plan d'aide à la Grèce. Le temps n'a jamais autant manqué : la Grèce doit régler d'ici vendredi le remboursement d'un prêt de 300 millions d'euros au FMI. D'ici fin juin, c'est 1,6 milliard qu'Athènes doit verser au Fonds monétaire international. Et d'ici fin août, la facture s'élève à près de 7 milliards.
Sans le versement d'un nouveau prêt, Athènes n'y arrivera pas, et se retrouvera en défaut de paiement, avec une probable sortie de la zone euro, un "Grexit". Et c'est pour obtenir ce nouveau prêt qu'Athènes et ses créanciers peinent à se mettre d'accord. Ces derniers exigent de la Grèce des réformes efficaces pour réduire le déficit du pays, et obtenir la certitude qu'ils seront bien remboursés.
A late night meeting was not in vain: at long last, creditors agree on terms to offer Greece http://t.co/WLLxA40imKpic.twitter.com/JF3vcPoSCJ
— The Economist (@TheEconomist) 2 Juin 2015
Que proposent les deux camps? "La Grèce a présenté des propositions. Nous avons fait des concessions, ce qui est normal dans une négociation, mais nous avons présenté un plan réaliste pour sortir le pays de la crise", assure de son côté Alexis Tsipras, dont le gouvernement vient d'envoyer un document de 46 pages de propositions de réformes. Le détail de ses concessions n'est pas encore connu, mais le Premier ministre grec en a donné les grandes lignes dans une interview au Monde dimanche : une grande réforme de la TVA, la refonte du système de sécurité sociale via l'unification des caisses, des processus de privatisations et, surtout, la suppression des retraites anticipées.
Mais pour les créanciers, qui ont envoyé un bloc commun de propositions, cela pourrait ne pas suffire. "Des progrès sont enregistrés, mais c'est vraiment insuffisant", a regretté Jeroen Dijsselbloem, patron de l'Eurogroupe, visiblement moins optimiste que Pierre Moscovici et l'Italie. S'ils semblent prêts à lâcher du lest sur certaines réformes, comme celle du marché du travail, les créanciers, et notamment le FMI, demandent encore à la Grèce d'aller plus loin sur d'autres mesures, et notamment sur les retraites.
Les retraites, le cœur du problème. "Le point le plus sensible reste les retraites", confirme une source européenne, citée par Les Echos. Selon le FMI, les dépenses de la Grèce pour les retraites atteignent 17% de son PIB, ce qui est insoutenable. Le Fonds monétaire exige ainsi une baisse drastique des pensions, dont le taux de remplacement (le ratio entre le montant moyen des salaires et celui des pensions) atteindrait 70%, contre 57% pour l'Allemagne par exemple. Le FMI, qui ne veut pas se faire accuser par ses pays membres de favoritisme envers l'Europe, risque de ne pas céder sur ce point. Or, Alexis Tsipras se veut inflexible sur le montant des pensions.
Et s'il n'y a pas d'accord ? Si aucun camp n'accepte les compromis de l'autre, plusieurs scénarios se dessinent. Certains dirigeants européens envisagent déjà la prolongation du plan d'aide actuel, pour permettre à Athènes de payer ses dettes à court terme. Mais cela ne fonctionnerait que si tous les parlements européens donnaient leur aval, ce qui est loin d'être certain en Allemagne.
Si la Grèce se retrouve à court de liquidité fin juin, le FMI dispose de plusieurs semaines avant de constater un arriéré, ce qui placerait Athènes en défaut de paiement. Et un tel scénario inquiète jusqu'à la Maison Blanche, qui a récemment écrit à Bruxelles pour mettre l'Europe en garde. Car la sortie de Grèce risque de mettre à mal l'image de solidité de la zone euro. Ce qui donnerait un argument aux spéculateurs pour attaquer les pays les plus fragiles du Vieux continent, à coups de hausse de taux d'intérêt.