Deuxième grève en neuf mois pour le personnel navigant commercial (PNC) d’Air France. Les hôtesses et les stewards de la compagnie aérienne sont appelés à cesser le travail pendant trois jours à compter de samedi. Les syndicats SNPNC, Unsa-PNC, CFTC, SUD-Aérien et SNGAF veulent faire entendre leur exaspération sur plusieurs sujets relatifs au plan stratégique "Trust Together" (2017-2020). Les passagers ne devraient pas être trop affectés (voir encadré plus bas).
Effort de 20% sur les salaires. La colère des PNC se cristallise sur le projet Boost, le nom de code de la future compagnie d’Air France-KLM. Le PDG Jean-Marc Janaillac entend créer une filiale à coûts d’exploitation réduits mais pas "low cost" pour les clients, sur les lignes les moins rentables d’Air France. Le prix des billets sera donc équivalent à ceux de la compagnie mère. Le modèle économique de Boost repose principalement sur l'embauche de PNC rémunérés "au prix du marché", c'est-à-dire 40% moins cher que dans la compagnie tricolore historique, dont "20% portant sur la rémunération et 20% liés à des efforts de productivité", précise la direction d'Air France.
Différence de traitement. Une contrainte que n’acceptent pas les syndicats pour deux raisons. D’abord car ils ont le sentiment de ne pas bénéficier de la même considération que les pilotes. Contrairement à ces derniers, les PNC n’ont pas obtenu de contrat de travail unique. Les pilotes d’Air France qui rejoindront volontairement Boost voleront avec les mêmes conditions de travail et de rémunération que leurs collègues. Ce qui ne sera pas le cas pour le personnel de cabine, moins bien payé sur la nouvelle compagnie.
Les syndicats de PNC ont d’ailleurs écrit en février aux pilotes pour les "alerter sur le danger d'un tel plan qui ne va faire que renforcer certaines tensions, déjà parfois palpables entre pilotes et hôtesses et stewards et entretenues par la direction". Mais les navigants n’ont pas reçu le soutien attendu. "Il n’y a pas eu de retour officiel et les pilotes ont approuvé le projet Boost par référendum quelques jours plus tard…", laisse-t-on entendre au SNPNC.
Concurrence interne. Par ailleurs, les PNC craignent que Boost siphonne l’activité d’Air France, notamment car le recrutement se fera dans une filière parallèle à celle de la compagnie historique. "Chez Boost, Air France veut des embauches 40 à 50% moins chères. Les recrutements se feront au sein cette structure et pas chez Air France. Donc notre population d’hôtesses et de stewards va continuer à vieillir", critique Christophe Pillet, délégué SNPNC Air France, interrogé par Europe 1. En revanche, Air France s’engage à exclure toute "mobilité contrainte" d’Air France vers Boost. Les 1.000 navigants de la nouvelle compagnie seront recrutés en France.
Gain de productivité supplémentaire. Les hôtesses et stewards protestent également contre le projet d’accord collectif proposé par la direction qui doit réorganiser leurs conditions de travail, de rémunération et d’avancement pour la période 2017-2021. Le texte prévoit un gain de productivité des navigants de 7,5% sur cinq ans, ce que les syndicats perçoivent comme une augmentation des cadences. D’autant que les PNC ont déjà réalisé un effort de productivité de 20% dans le cadre du plan de restructuration "Transform" (2012-2015).
Mais pour Christophe Pillet, il est impossible de concilier les attentes de la direction d’Air France pour Boost et pour l’accord collectif. "On sait que pour abaisser le coût à l’heure de vol, il faut des recrutements de jeunes qui sont moins payés que les anciens. Donc il est indispensable de faire les futures embauches au sein d’Air France, d’aller chercher la croissance en interne et non pas dans une structure extérieure qui va venir, à termes, prendre les lignes d’Air France", explique le syndicaliste. Seul l’Unac a signé l’accord collectif mais ce syndicat ne dispose pas de la majorité nécessaire pour le rendre applicable.
Crise de confiance. Au-delà des négociations en cours, le bras de fer entre syndicats de navigants et direction reflète une crise de confiance. Le SNPNC et l'Unsa restent persuadés que les garanties proposées quant au projet Boost (pas plus de 10 avions long-courrier et 18 moyen-courrier, pas de mobilité contrainte) seront remises en cause dans quatre ans, quand l'accord collectif des PNC d'Air France arrivera à échéance et "au moment où les premiers résultats de Boost tomberont".
Alors que la masse salariale d'Air France sera "encore plus lourde" et ses avions "vieillissants", les PNC de la compagnie historique "se verront contraints de baisser leur salaire ou de travailler aux conditions Boost", prédisent les deux syndicats. En conséquence, ils réclament un "accord collectif non dégradé et très long (plus de 5 ans ou à durée indéterminée)". Des prévisions contestées par Air France qui se concentre pour l’instant sur les négociations en cours.
Grève improductive l’été dernier. Cette crise de confiance n’est pas nouvelle. Déjà l’été dernier, les PNC avaient fait grève pendant sept jours, pile au moment du chassé-croisé de juillet-août. Leurs revendications portaient déjà sur un accord collectif plus protecteur et un traitement équivalent à celui des pilotes. Malgré une mobilisation importante qui avait touché 180.000 passagers et coûté 90 millions d’euros à Air France, les navigants n’avaient rien obtenu de la part de la direction.
Peu de perturbations à prévoir
Pour samedi, Air France précise dans un communiqué prévoir d'assurer 100% de ses vols long-courriers et 98% de ses vols moyen-courriers et domestiques. La compagnie ajoute que 29% des hôtesses et stewards seront en grève samedi. Air France communiquera ce jour-là ses prévisions de trafic pour dimanche.
Dans un communiqué, la compagnie n'exclut pas "des annulations et des retards de dernière minute" et prévient que "des difficultés dans la composition des équipages" pourraient la conduire à limiter le nombre de passagers par vol.