"Je vous condamne à réussir, vous n'avez pas le droit d'échouer", a lancé François Hollande jeudi, en visite aux ex- salariés de Fralib à Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône. Ces derniers se sont associés au sein d'une société coopérative ouvrière (Scop) de thé et infusion, reprenant ainsi leur usine après un long conflit social. Le chef de l'Etat venait souligner le caractère "exemplaire" de leur lutte pour sauver et maintenir leur activité en France.
Cette visite, gardée secrète jusqu'à mercredi soir, s'inscrit dans un agenda très "local" et "social" tenu par le président, soucieux d'envoyer un nouveau message à sa gauche à quelques jours du Congrès du PS. A son arrivée sur le site, François Hollande a lu le nouveau slogan du producteur de thé et infusion "Scopti (le nouveau nom de l'entreprise) engagé sur l'humain, engagé sur le goût" et prononcé un discours, entouré de salariés. Scop-Ti, c'est "l'histoire d'une lutte, d'une volonté d'un espoir", a salué le président de la République. "Lorsque cela est possible, il faut qu'il y ait un chemin comme le votre", a-t-il renchéri.
1.336 jours de lutte. Le 28 septembre 2010, le groupe anglo-néerlandais Unilever avait annoncé la fermeture du site pour transférer la production des thés Lipton et des infusions de l'Éléphant, une marque créée en 1896 à Marseille, à Bruxelles et en Pologne, ce qui impliquait la suppression des 182 emplois. 76 salariés ont alors décidé, en septembre 2012, d'occuper l'usine, jour et nuit, résistant à plusieurs tentatives d'expulsion, assurant des tours de garde pendant les vacances par crainte d'un déménagement des machines.
Après 1.336 jours de lutte, les salariés obtiennent près de 20 millions d'euros d'indemnité de la part d'Unilivers. Ce qui leur permet de racheter l'usine et de monter la Scop. Cette entreprise "est devenue votre entreprise", a lancé François Hollande aux salariés : "vous êtes maintenant les responsables et c'est un combat qui est engagé pour vous faire gagner". 1.336 est d'ailleurs désormais le nom du premier thé produit par la nouvelle entreprise.
Ce matin, @AdamDorothee a suivi @fhollande à la rencontre des ex-#Fralib : http://t.co/zMEp15U5Popic.twitter.com/lZHGRft76W
— Maxime Taillebois (@MaxTaillebois) 4 Juin 2015
Hollande bien accueilli, Macron raillé. François Hollande s'était déjà rendu à Gémenos pendant la campagne de la primaire présidentielle, le 22 août 2011. En février 2012, il avait également participé à un meeting de soutien aux Fralib, à Paris. Et il les avait reçus à l'Élysée au début de son mandat le 31 août 2012. "Vous avez obtenu des soutiens mais c'est vous qui avez gagne la partie", a souligné le chef de l'État : "j'ai voulu vous soutenir sans jamais vous donner des illusions". "Nous vous soutiendrons encore", a-t-il promis s'engageant à faire "la promotion" de la marque : "ça tombe bien, le Premier ministre aime le thé!", a-t-il encore plaisanté.
"Vous nous aviez déclaré que vous étiez à nos côtés en tant que candidat, et que si vous deveniez président, vous le seriez en tant que président de la République. Au cours de ces longs mois de lutte et aujourd'hui encore, vous avez tenu cet engagement", a affirmé le directeur de l'usine, Marc Décugis, reconnaissant. Gérard Cazorla, délégué CGT devenu président de la Scop, ne s'est en revanche pas privé de lancer une petite pique sur la loi Macron, qui facilite les licenciements : "Nous, nous ne nous interrogeons pas pour savoir comment faciliter leur licenciement avant de les embaucher en CDI", a-t-il lancé avec un large sourire.
Un ex-salarié de #Fralib : "Il y a une continuité, c'est important et ça nous touche" http://t.co/FvQVaUX7dDpic.twitter.com/ZycBiDGOtq
— Élysée (@Elysee) 4 Juin 2015
Un agenda très "local". Le chef de l'Etat multiplie les déplacements à la rencontre des Français depuis quelques semaines. Cette visite intervient deux semaines après celle que le chef de l'Etat avait effectuée à Carcassonne auprès des salariés de Pilpa, qui ont eux aussi opté pour la reprise en Scop (société coopérative de production) de leur fabrique de glace. L'agenda du président en juin témoigne de cette volonté de proximité en multipliant les déplacements en province. Les 12, 13, et 14 juin, il se rendra successivement à Nantes, Angers, Le Mans et Bordeaux, des territoires de l'ouest où "il ne s'est pas rendu depuis plusieurs mois", souligne un de ses conseillers.
Ces visites ont lieu dans un contexte tendu à gauche. Ce weekend doit ce tenir un Congrès du PS marqué par les divisions entre l'aile gauche et la direction du parti, favorable à la ligne gouvernementale. En soulignant les quelques réussites de ouvrières de son quinquennat, le chef de l'Etat tente de convaincre les "frondeurs" qu'il n'oublie pas les classes populaires.