La France semble décidée à faire rentrer l’économie collaborative dans les clous de l’économie classique. L’Assemblée nationale a profité lundi du PLFSS pour s’emparer d’un sujet de plus en plus brûlant : la place de l’économie collaborative et des revenus qu’elle génère. La réforme adoptée va obliger les particuliers à verser des cotisations sociales à partir d’un certain niveau de revenus issus de plateformes telles que Drivy, Airbnb ou encore Le Bon coin. Le même jour, les députés ont également renforcer les obligations fiscales de telles plateformes.
Des cotisations sociales à partir d’un certain montant. Les députés ont décidé qu’à partir d’un certain montant, les particuliers devront payer des cotisations sociales. Pour les locations immobilières, réalisées via Airbnb ou Abritel, la barre a été placée à 23.000 euros par an. Pour la location de biens mobiliers, qu’il s’agisse d’une voiture, d’une perceuse ou d’une paire de ski, il faudra cotiser à partir de 7.723 euros gagnés dans l’année. A partir de ces seuils, qui ne concernent qu’une minorité des loueurs en ligne, les revenus gagnés seront ponctionnés à hauteur d’environ 25% pour financer la protection sociale. A terme, les plateformes qui mettent en relation les propriétaires et les emprunteurs pourraient gérer les démarches et verser directement les charges, mais rien ne les y oblige. En revanche, les députés ont abandonné l’idée d’obliger les particuliers concernés à s’inscrire au très décrié Régime social des indépendants (RSI).
Et une déclaration au fisc dans tous les cas. Les députés ont également adoptée lundi une réforme fiscale, cette fois-ci dans le cadre du projet de budget rectificatif 2016. A partir de 2019, les plateformes de l’économie collaborative devront effectuer une déclaration automatique au fisc des revenus gagnés par leurs utilisateurs. En clair, Drivy ou Airbnb devront préciser à Bercy ce qu’ont gagné chacun de leurs utilisateurs, quel que soit le montant.
Aujourd'hui, "en pratique les revenus sont très rarement déclarés, très rarement contrôlés, et in fine très rarement imposés. Il en résulte une perte de recettes pour l'État, une insécurité juridique pour le contribuable, et une concurrence déloyale pour certains secteurs", a argumenté l’un des rédacteurs de cet amendement, le député PS Pascal Cherki.
Pourquoi réformer ce secteur tous azimuts ? Tous les Etats ont un cauchemar en commun : l’économie informelle, synonyme d’absence de taxes et de cotisations sociales, mais aussi de concurrence déloyale vis-à-vis des activités déclarées. Or, bien qu’elle repose sur les technologies les plus récentes, l’économie collaborative peut prendre des airs de travail au noir si les autorités n’ont aucune information sur les transactions réalisées. L’Etat tente donc d’imposer plus de transparence et une égalité de traitement entre ces nouvelles activités et l’économie plus traditionnelle. La députée PS Bernadette Laclais a ainsi présenté l’obligation de verser des cotisations sociales comme une manière de restaurer "l’équité sociale et fiscale" entre les acteurs de l’économie classique et ceux de l’économie collaborative.
Mais parce qu’un tel changement de paradigme ne se fait pas en un jour, le législateur a décidé d’y aller progressivement et de laisser du temps aux personnes et aux entreprises concernées. La première étape de cette opération normalisation a été posée en juillet 2016 : depuis cette date, les plateformes doivent envoyer à leurs utilisateurs un récapitulatif des sommes gagnées dans l’année et leur rappeler qu’elles doivent déclarer ces revenus. La deuxième étape doit débuter à partir du 1er janvier 2017 : les particuliers dont la location est presque professionnelle devront alors verser des cotisations sociales. La troisième et dernière étape est prévue pour 2019, date à laquelle les plateformes enverront directement au fisc les sommes gagnées par leurs utilisateurs. L’économie collaborative sera alors rentrée dans les rangs, à moins bien sûr que la prochaine majorité parlementaire n’en décide autrement.