Le diable se niche dans les détails. Et dans les décrets. Les partenaires sociaux sont bien placés pour le savoir avec les ordonnances de réforme du code du travail. Car si les grandes orientations de cette refonte sont arrêtées, les décrets d'application vont bel et bien déplacer quelques curseurs, permettant de renforcer ou atténuer certains effets des mesures décidées. L'un des premiers portés à leur connaissance, qui n'est encore qu'au stade de projet, concerne l'augmentation des indemnités légales de licenciement. Et n'est pas à la hauteur des espérances syndicales.
Faire passer la pilule. Le gouvernement avait en effet promis de revoir ces indemnités à la hausse. Une manière de compenser le plafonnement des indemnités prud'homales, très difficile à accepter pour les syndicats. La mesure avait bel et bien été annoncée dans les ordonnances. "Pour tout salarié licencié, on augmente de 25%", a répété la ministre du Travail Muriel Pénicaud, mercredi, sur RMC. En réalité, cette hausse est certes respectée jusqu'à dix ans d'ancienneté, mais elle devient dégressive pour les années supplémentaires.
Hausse dégressive. Aujourd'hui, en cas de licenciement, tout salarié ayant passé moins de dix ans dans son entreprise peut prétendre à une indemnité équivalente à 1/5e de salaire mensuel par année d'ancienneté. Avec les ordonnances, cela va passer à 1/4 de salaire mensuel, soit effectivement une augmentation de 25%, comme promis. En revanche, pour chaque année supplémentaire, aujourd'hui, un salarié touche l'équivalent de 1/5e plus 2/15e de salaire mensuel, soit 1/3 de salaire mensuel par année. Et les décrets ne prévoient alors aucune augmentation, laissant l'indemnité légale à 1/3 de mois de salaire.
"Mauvaise surprise". Côté syndicat, on reconnaît qu'il s'agit là d'une "mauvaise surprise". "Plus on est ancien, plus on a des difficultés à retrouver du travail. Qu'on soit indemnisé un peu plus pour pouvoir se former, ça nous paraît logique", avance Philippe Louis, président de la CFTC. Dans les prochaines semaines, les partenaires sociaux scruteront donc avec attention les autres décrets pour y déceler la moindre promesse non tenue. "Tant que ce n'est pas fini, ce n'est pas fini. On essaie de peser sur le contenu des décrets", a expliqué Jean-Claude Mailly, de FO, mercredi. "Cette bataille-là est difficile. C'est moins spectaculaire [que les manifestations] mais c'est beaucoup plus efficace", a renchéri le leader de la CFDT, Laurent Berger, sur Franceinfo.
Reste que de nouvelles mauvaises surprises pourraient bien dégrader encore le climat déjà tendu entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Celui-ci avait réussi à ne pas s'aliéner toutes les organisations syndicales en misant sur la discussion. Mais entre une communication brutale et des tours de passe-passe dans ses décrets qui ont pris de court jusqu'aux syndicats réformistes, il risque de se diriger tout droit vers un bras de fer.