Le 1er mars s'achèvent les négociations commerciales entre des grandes surfaces appelées par Emmanuel Macron à "participer à l'effort", et leurs fournisseurs de l'agro-industrie. Les discussions sont houleuses dans un contexte inflationniste qui fait craindre de nouvelles hausses de prix. Combien coûtera le panier de courses en mars, en mai ou en juillet ? Le prix d'une majorité des produits vendus dans les grandes surfaces alimentaires, du leader E.Leclerc à Casino en passant par Carrefour, dépend des conditions d'achat négociées jusqu'à mercredi minuit par ces enseignes avec leurs fournisseurs industriels.
Elles sont libres du prix des denrées qu'elles vendent au consommateur, à condition de respecter une marge minimale de 10% prévue par la loi. Mais elles doivent négocier chaque année avec l'agro-industrie le prix et les conditions de vente, en yaourt, viande ou biscuits. Leur intérêt est d'obtenir les meilleures conditions pour pouvoir être compétitifs sur leurs prix tout en protégeant leurs marges bénéficiaires. C'est d'autant plus crucial cette année que les coûts d'exploitation des magasins s'envolent, en particulier les factures d'électricité.
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Flambée des prix ?
Sauf que les industriels, eux aussi, font face à une inflation de leurs coûts de production, des matières premières agricoles aux emballages, et demandent depuis des mois à la grande distribution de leur acheter leurs produits plus chers. Au salon de l'Agriculture samedi, Emmanuel Macron a appelé les distributeurs à "participer à l'effort". "On ne peut pas demander un effort" aux agriculteurs, vu la hausse de l'énergie et des "intrants divers", a-t-il estimé, et les agro-industriels, "beaucoup de PME partout sur le territoire", "ont fait un effort considérable ces dernières années".
De leur côté, les grandes surfaces crient à l'absence de transparence, et à des demandes de hausses exagérées, le patron de Carrefour Alexandre Bompard en qualifiant même certaines de "délirantes". Quelle que soit l'issue des négociations, les prix en rayon vont encore augmenter. Déjà, parce que les supermarchés se sont engagés en décembre - dans un document juridiquement non contraignant - à "prendre en compte, sans les négocier, les hausses de coûts subis" par leurs fournisseurs, surtout les plus petits.
Des demandes de hausse "tout sauf délirantes"
Ensuite, parce que les demandes de hausses sont "tout sauf délirantes", dixit Jean-Philippe André, président du lobby de l'agroalimentaire Ania. "Les matières premières sont plus chères que l'an dernier, et nous avons acheté l'énergie aux tarifs actuels pour toute l'année."Et plus qu'un "mois de mars rouge", il "va y avoir encore de l'inflation alimentaire (...) tout au long du premier semestre 2023", a prédit le président de Système U Dominique Schelcher lundi sur France inter. Preuve de ces tensions, seul un industriel sur deux avait signé tous ses contrats avec ses clients distributeurs en milieu de semaine dernière, un taux inhabituellement bas à quelques jours de la clôture.
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Sujet "très grave"
"On concentre sur quelques jours la querelle de la négociation et ça c'est évidemment très mauvais", a commenté le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau sur Public Sénat lundi, constatant qu'"il y a eu du retard de pris" dans ces négociations. La distribution assure ne pas pouvoir absorber seule ces hausses de tarifs et devra donc les répercuter sur ses clients, qui ont déjà subi 12% d'inflation alimentaire en 2022 et font eux-mêmes face à la hausse du gaz ou du carburant.
À cette inflation alimentaire déjà subie, ce sont "environ 10%" supplémentaires qui vont s'ajouter "dans les semaines et les mois qui viennent", selon Dominique Schelcher. Le gouvernement essaie d'apporter des réponses avec un projet de panier anti-inflation, une sélection de références au meilleur rapport qualité/prix, qui fait face toutefois à de nombreuses critiques et incertitudes.
Se priver de produits trop chers
Les ménages français n'ont pas attendu pour s'adapter, en se tournant vers des produits à peu près équivalents mais plus économiques, comme des premiers prix, et vers des enseignes perçues moins chères. Une quête du plus petit prix qui rend d'autant plus crucial, pour les supermarchés, d'obtenir les meilleures conditions d'achat possibles pour afficher des tarifs moins élevés que la concurrence. Si les prix grimpent trop, l'ensemble de la chaîne agroalimentaire s'expose à une baisse des volumes vendus, parce que les clients se priveraient de produits devenus trop chers.