En pleine actualité des "gilets jaunes", l'information aurait de quoi rajouter de la colère à la colère. La France est championne d'Europe des taxes, selon un classement Eurostat publié cette semaine. Avec des recettes fiscales qui représentent 48,4% du PIB en 2017, elle devance la Belgique (47,3%), le Danemark (46,5%) et la Suède (44,9%). Et conserve ainsi un titre qui était déjà le sien en 2016.
Faut-il en conclure que le niveau d'impôts est en France bien supérieur à celui observable chez ses voisins ? Comme souvent avec les chiffres, la réalité est un peu plus complexe.
TVA et impôts sur le revenu dans la moyenne. Les données d'Eurostat regroupent trois types de prélèvements. D'abord, les impôts sur la production et sur les importations, dont la TVA. Ceux-ci représentent en France 16,4% du PIB, ce qui est supérieur à la moyenne de l'Union européenne (13,6%) mais est loin du record du genre, détenu par la Suède (22,7%).
Ensuite, on trouve les impôts sur le revenu et le patrimoine, prélevés à la fois sur les ménages et les bénéfices des sociétés. En la matière, la France est parfaitement dans la moyenne. Les impôts sur les personnes physiques et les ménages ont même plutôt tendance à être moindres : elles représentent 8,7% du PIB dans l'Hexagone. Au Danemark, c'est 25,4% ; en Italie, 11,8%.
" Avec un État-providence, il est inévitable de figurer dans le top des pays ayant le plus fort niveau de prélèvements obligatoires. "
Record des cotisations sociales. Ce qui pousse la France en tête en termes de fiscalité, ce sont en réalité les cotisations sociales. Elles représentent 18,8%, ce qui est un record absolu. À quoi servent ces cotisations ? À payer l'assurance-chômage, l'assurance-maladie ou encore les retraites. "Ce que montre ce classement, c'est que nous avons un système extrêmement généreux par rapport à la moyenne européenne", explique Christopher Dembik, économiste à la SaxoBank. "Cela prouve que, par comparaison avec nos voisins européens, notre État-providence existe. Et avec un État-providence, il est inévitable de figurer dans le top des pays ayant le plus fort niveau de prélèvements obligatoires."
Choix de société. Les données Eurostat "témoignent de choix de société", prévient l'économiste. "Cela n'induit pas automatiquement de performance ou de contre-performance économique, même s'il est commun, dans le discours libéral, de dire qu'un fort taux de prélèvements obligatoires plombe une économie."
Prenons par exemple les cotisations d'assurance-maladie, qui financent la Sécurité sociale. Un discours libéral pointera le fait qu'elles pèsent sur les salaires. "Mais on peut aussi considérer qu'avoir des salariés en bonne santé permet d'améliorer leur productivité et leurs performances, ce qui se passe effectivement en France", souligne Christopher Dembik. "Cette productivité est un élément qui pèse favorablement sur la croissance économique sur le long terme."
Difficile, donc, de résumer ce classement Eurostat à une pression fiscale intense et injustifiée sur les ménages français. D'autant que, comme le rappelle l'économiste, "en dépit de la contestation actuelle, une grande partie de la population est attachée au système actuel de santé, de retraite et d'assurance-chômage."