La France en récession : "On va effacer une vingtaine d’années de croissance"

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La France a connu une chute du PIB de 6% entre janvier et mars, en raison de la pandémie de coronavirus. "Il n’y aura pas vraiment de retour à la normale", a analysé Nicolas Barré, directeur de la rédaction des Echos et éditorialiste sur Europe 1.

L’économie française traverse sa pire crise depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le pays est officiellement entré en récession, avec une chute historique du PIB (produit intérieur brut) de 6% entre janvier et mars, en raison de la pandémie de coronavirus. Ce chiffre, publié mercredi par la Banque de France, témoigne des brutales pertes d'activité notamment dans les secteurs de la construction, du commerce, des transports, de l'hébergement et de la restauration.

Nicolas Barré, directeur de la rédaction des Echos et éditorialiste sur Europe 1, a analysé cette situation inédite, mercredi sur Europe 1. "On va effacer une vingtaine d’années de croissance économique. Il va y avoir une forte hausse du chômage et un impact social très important", s’inquiète-t-il. "Concrètement, une économie en récession rétrécit et la richesse par habitant diminue. Avec les projections qu’on a, on va effacer une vingtaine d’années de croissance économique, le revenu par habitant va reculer du fait de cette crise. Il va y avoir une forte hausse du chômage et un impact social très important dans le monde entier, et en Europe en particulier." 

Combien de temps cela peut-il durer ?

"Certaines entreprises sont complètement à l’arrêt : 550.000 ont demandé à faire appel au chômage partiel (soit près de 6 millions de salariés, ndlr). Ça vous donne une idée de la magnitude de cette crise. Le problème c’est que beaucoup de ces entreprises vont avoir du mal à redémarrer. On peut passer quelques semaines à l’arrêt, mais pas des mois dans cette situation. Le grand risque c’est qu’une grande partie du tissu économique disparaisse et qu’on assiste à une forte montée des faillites. C’est ce qui est anticipé pour la suite."

L’État va-t-il pouvoir continuer à emprunter ?

"L’État s’endette de façon considérable. Le chômage partiel représente un coût de l’ordre de 200 millions d’euros par jour, soit 20 milliards d’euros sur trois mois. Ça ne peut pas durer indéfiniment. La Banque centrale européenne est aujourd’hui derrière l’État, donc quand on s’endette la BCE vient pour suppléer et maintient des taux bas. Mais cette situation ne peut pas durer très longtemps."

Quid du marché immobilier ?

"Au moment du confinement, il y avait 100.000 transactions immobilières par jour. 80 % des signatures sont reportées, et beaucoup de gens renoncent. Aujourd’hui il n’y a plus de marché, et donc plus aucun prix qui signifie quoi que ce soit. Il n’y a quasiment plus de visites, mais on peut s’attendre à une forte baisse des prix à l’issue de cette crise. Le marché est en quelques sorte suspendu, on ne sait pas ce que ça va donner. Ce qu’on observe, c’est qu’un certain nombre d’acheteurs renoncent pour parier sur une baisse des prix."

Quand y’aura-t-il un retour à la normale ? Dans six mois, un an, deux ans ?

"Il n’y aura pas vraiment de retour à la normale. Des entreprises vont disparaître, des capacités vont s’évanouir. Mardi, la grande compagnie aérienne allemande Lufthansa a dit qu’ils ne retrouveront jamais les niveaux de trafic d’avant la crise. Ils ont fait une croix sur 20 % de leur flotte, ils suppriment la moitié de leurs A380. Le patron de Lufthansa a dit que l’entreprise dans un ou deux ans sera plus petite. On est à la merci d’une deuxième vague de l’épidémie, et donc d’une longue période de grande difficulté pendant un ou deux ans. Il ne sera pas question de revenir à la normale."

L’économie de demain ressemblera-t-elle à celle d’hier ?

"Probablement pas. Le grand risque c’est que des filières industrielles, comme l’automobile et la chimie, puissent disparaître au profit d’autres acteurs dans d’autres parties du monde qui pourraient prendre ces marchés. Il y a un risque de perte définitive de substance économique. C’est absolument ce qu’il faut éviter."