Le chiffre donne le tournis et montre l'étendu du travail restant à accomplir. Selon un rapport du syndicat Solidaires-Finances publiques, dévoilé jeudi par Marianne, le montant total de la fraude fiscale s'élève à 100 milliards d'euros par an.
Selon cette étude réalisée tous les cinq ans, ce montant est supérieur de 20 milliards à celui relevé dans le dernier rapport en 2013. Un montant d'autant plus important qu'il ne prend pas en compte les fraudes sur les prélèvements sociaux. Comme le rappelle Marianne, le syndicat n'est pas le seul à quantifier de manière alarmiste le coût exorbitant de l'évasion fiscale. Oxfam a lui estimé le coût total à entre 60 et 80 milliards par an.
"Les 100 milliards viendraient financer le déficit budgétaire". Et l'hebdomadaire de rappeler de manière concrète ce que pourraient représenter ces 100 milliards qui ne tombent pas dans les caisses de l'État. 100 milliards, rappelle Marianne, c'est 1,5 fois ce que payent les Français chaque année au travers de l'impôt sur le revenu. "De quoi assurer à l'État un budget en équilibre puisque les 100 milliards viendraient financer (...) les 82 milliards du déficit budgétaire", ajoute l'hebdomadaire.
Selon le rapport de Solidaires-Finances publiques, la principale technique de fraude reste la sous-déclaration des revenus, mais elle pourrait être rendue plus difficile par la mise en place du prélèvement à la source. En revanche, la fraude fiscale sous la forme de fraude "off shore" est florissante chez les entreprises et les particuliers, notamment les plus aisés. "On parle d'environ 3.500 ménages français qui détiendraient 50 millions d'euros chacun en moyenne à l'étranger", explique à Marianne le professeur d'économie de Berkeley Gabriel Zucman. À eux seuls, ces 3.500 ménages concentreraient une fraude totale de 5 milliards d'euros par an.
Il est de plus en plus simple de frauder le fisc. Le rapport pointe également une tendance alarmante. Il serait de plus en plus simple de frauder le fisc. Membre du syndicat, Vincent Drezet décrit à Marianne "la chute inquiétante du taux de couverture du tissu fiscal, autrement dit de la présence effective du contrôle fiscal". Ainsi, les contrôles d'examen de la situation fiscale personnelle (ESFP) ont chuté, passant de 4.166 en 2008 à 3.613 en 2017. Même baisse de la pression en direction des entreprises, puisqu'en 2008, une entreprise soumise à la TVA risquait de se faire contrôler tous les 84 ans, alors qu'aujourd'hui, cette probabilité est désormais d'une fois tous les 130 ans.
Selon les auteurs du rapport, l'explication est à chercher notamment du côté du manque de personnels. "3.100 emplois ont été supprimés dans les services de contrôle fiscal depuis 2010", dénonce Vincent Drezet, avant d'appeler : "seule une véritable volonté politique en matière de lutte contre la fraude fiscale doit donc inverser cette logique qui affaiblit le contrôle fiscal".
Le gouvernement chiffrera le montant de la fraude fiscale dans un an
Cette évaluation révélée par Marianne est celle du syndicat Solidaires-Finances publiques. Le gouvernement donnera, pour sa part, ses propres chiffres dans un an. Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin a annoncé jeudi la mise en place d'un observatoire pour estimer l'ampleur de la fraude fiscale en France, qui devra produire un chiffrage précis dans un an. "Je suis favorable à ce que soit produite une évaluation publique de la fraude, à essayer de définir un montant", a déclaré le ministre à l'issue d'une table ronde à Bercy sur ce thème.
"Je vous propose que cet observatoire couvre un champ très large qui s'intéressera à la fiscalité, mais également aux prélèvements sociaux, et ses travaux porteront non seulement sur la fraude, mais sur le manque à gagner fiscal et social au sens le plus large, c'est-à-dire aux pertes de recettes liées aux erreurs", a détaillé Gérald Darmanin.