Jugé trop favorable à l’employeur et régressif pour l’employé, la loi El Khomri a été profondément revue et rééquilibrée. Et notamment avec un dispositif encore méconnu baptisé "garantie jeunes". "Je souhaite que ce dispositif soit généralisé en 2017. De la même manière que nous créons, avec le CPA, un droit personnel et universel, nous devons créer un droit universel à la garantie jeunes", a souligné lundi le Premier ministre. Mais à quoi sert exactement cette fameuse "garantie jeunes" ?
Qu’est-ce que la garantie jeune ? C'est un dispositif pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes les plus éloignés du marché du travail et qui ne suivent aucune formation. Sans compétence ni expérience professionnelle, ce public entame donc sa carrière dans les pires conditions, avec un risque de chômage bien plus élevé que la moyenne et une mobilité professionnelle très limitée.
La garantie jeunes fait donc le pari suivant : consacrer des moyens financiers pour offrir à ces jeunes une séance de rattrapage plutôt que les laisser s’enfermer dans la précarité et les longues périodes de chômage qui, au final, coûtent plus cher à la collectivité.
Qui est concerné ? Les jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont pas ou peu diplômés, n’ont pas d’emploi et ne suivent aucune formation. Pour en bénéficier, leurs ressources ne doivent pas dépasser le plafond du RSA, c’est-à-dire 524,16 euros en 2016, même si des dérogations peuvent être accordées au cas par cas. D’après une estimation de Matignon, 500.000 jeunes remplissent actuellement les conditions pour bénéficier de la garantie jeunes.
Que change l’annonce de Manuel Valls ? Le Premier ministre a officiellement annoncé que ce qui n’était qu’une expérimentation en 2013 allait devenir un droit universel en 2017. Car ce dispositif n’est aujourd’hui disponible que dans 72 départements et n’a bénéficié qu’à 46.000 jeunes depuis 2013. En devenant un droit à part entière en 2017, tous les départements seront concernés et 200.000 personnes pourront en bénéficier chaque année.
Comment fonctionne-t-elle concrètement ? Le jeune intéressé doit s’adresser à la mission locale la plus proche. S’il est sélectionné, cette dernière lui propose alors des entretiens individuels et des ateliers collectifs avec des mises en situation professionnelle. Si son profil peut correspondre à certaines activités, un stage voire une offre d’emploi lui est proposée. S’il n’est pas assez qualifié, une formation peut également lui être proposée. Dans tous les cas, des rendez-vous fréquents sont prévus à la mission locale pour faire le point avec le conseiller. Et le jeune bénéficie d’une aide financière de 461,26 euros par mois, un montant qui diminue si le bénéficiaire occupe un emploi. La mission locale peut également l’aider à trouver un logement.
Quelle est sa durée ? La garantie emploi offre donc un accompagnement humain et une aide financière pour une durée d’un an. Si l’objectif fixé lors de la signature du contrat n’est pas atteint, il peut être renouvelé pour une période d’un an. En revanche, si le jeune décroche un emploi durable, la garantie jeunes s’arrête. Idem s’il ne respecte pas les engagements pris lors de la signature du contrat.
Comment financer ce dispositif ? Un référent dans la mission locale, une aide financière, voire une formation entièrement payée : la garantie jeunes a un coût certain. "L’État finance 1.600 euros pour l’accompagnement de chaque jeune par la mission locale et environ 4.000 euros pour l’allocation versée au bénéficiaire", précisait en mars 2015 un avis de suite du Conseil économique, social et environnementale (Cese).
Manuel Valls a estimé que la garantie jeunes coûterait environ 418 millions d’euros pour 100.000 bénéficiaires en 2016, un chiffrage que certains parlementaires jugent sous-évalué. Mais la France ne finance pas seule ce dispositif, l’autre partie provenant du Fonds social européen : en 2016, l'UE devrait apporter 58 millions d'euros selon Bercy. En revanche, la garantie jeunes ne coûte rien aux employeurs, a promis Myriam El Khomri mardi matin sur Europe 1.
Quels sont les premiers résultats de la garantie jeunes ? La Dares, la branche statistique du ministère du Travail, doit effectuer un bilan de ce dispositif dans les mois à venir. Mais le Cese a déjà effectué une première analyse et considéré que la garantie jeunes "a montré son efficacité" : après une année de suivi, 48% des jeunes concernés avaient trouvé un emploi ou une formation, contre 38% des jeunes dans la même situation mais sans suivi. Et l’institution d’appeler à généraliser cet outil.
Mais le Cese pointe aussi les limites de cet outil, et notamment le fait que la plupart des jeunes suivis étaient déjà accompagnés auparavant : "il apparaît que 96 % des jeunes qui entrent dans l’expérimentation de la garantie jeunes étaient déjà connus des missions locales". Il ne faudrait donc pas que la Garantie jeunes s’ajoute à des dispositifs déjà existants et rende un peu plus illisible l’empilement des dispositifs conçus pour l’insertion des jeunes. A ses yeux, il est nécessaire "en premier lieu de rationaliser et simplifier le mille-feuille de dispositifs d’aides complexes qui se juxtaposent et nuisent au recours au droit". En outre, "la moitié est en contrat à durée déterminée, mais peu d’entre eux sont en formation certifiante" : si beaucoup trouvent ainsi un premier emploi, ceux qui améliorent leur qualification sont bien moins nombreux.