Des mesures "obsolètes", des pratiques fiscales "défaillantes" : la Cour des comptes dénonce dans un rapport au vitriol publié lundi la gestion de l'impôt en Corse, à l'origine selon elle d'un important manque à gagner pour l'Etat.
Un décret de 1811. "L'État a laissé perdurer en Corse des dérogations à la règle générale parfois contraires à la loi, à la réglementation européenne et au principe général d'égalité devant l'impôt", estime l'institution de la rue Cambon, dans ce référé adressé le 21 juin au ministre des Finances Michel Sapin. Plusieurs dispositions dérogatoires sont jugées "obsolètes", à l'image du régime appliqué aux alcools et aux métaux précieux en vertu d'un décret dit "impérial", promulgué le 24 avril 1811 par Napoléon Bonaparte. Ce décret, qui permet des exonérations de taxes indirectes, "a perdu toute raison d'être", "les éléments" qui justifiaient à l'origine ce régime d'exception ayant "disparu".
Absence de cadre juridique. Plus grave encore, certains prélèvements obligatoires ne sont pas appliqués par l'administration, du fait de "simples décisions ministérielles" par ailleurs "contraires à la loi". C'est le cas de la TVA sur les vins produits et consommés en Corse, en raison "d'un simple propos tenu par le ministre de l'Economie et des Finances" à l'Assemblée nationale en 1967, qui "n'a jamais été confirmé par aucun texte de nature à lui donner une quelconque portée juridique". C'est également le cas de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR, prélevée sur les camions de plus de 12 tonnes), appliquée "aux véhicules immatriculés en Corse circulant sur le continent" mais "pas à ceux qui ne circulent que dans l'île", en dehors de tout cadre juridique.
Défaillances dans le recouvrement de l'impôt. Le coût global de ces multiples dérogations s'élève à 78 millions d'euros, selon la Cour qui appelle les pouvoirs publics à une "action déterminée" pour "mettre fin à cette situation". Au-delà de ces problèmes dérogatoires, les magistrats s'inquiètent d'une série de "défaillances" dans le contrôle fiscal et le recouvrement de l'impôt, inférieur dans les départements corses à ceux enregistrés sur le reste du territoire métropolitain. En cause : le manque de fiabilité des fichiers de contribuables particuliers ou les taux comparativement faibles de respect des obligations déclaratives dans l'île de Beauté - la Corse-du-Sud et la Haute-Corse se classant sur ce point aux 89e et 90e rangs des départements français.
Dans ce contexte, il convient d'"appliquer strictement aux particuliers et professionnels les pénalités pour non-respect de leurs obligations déclaratives", insistent les magistrats, qui appellent à "l'application sans faiblesse par les services déconcentrés de l'État de l'ensemble des règles" prévues par la loi.