Comme dans toute négociation, l’effet de surprise permet de déstabiliser son interlocuteur et de regagner une marge de manœuvre. Une stratégie appliquée à la lettre par la Grèce depuis le début de l’année et qu’Athènes a poursuivie jeudi : le gouvernement grec a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi qu’il eportait au 30 juin les versements des sommes qu’il doit au FMI. Alors même que son Premier ministre assurait quelques heures auparavant que le FMI recevrait son argent comme prévu, c’est-à-dire ce vendredi.
Athènes face à de nombreuses échéances. Si la Grèce négocie avec le reste de la zone euro pour obtenir un nouveau prêt de 7,2 milliards, elle doit dans le même temps rembourser progressivement les sommes qu’elle a empruntées au plus fort de la crise de la dette. Or le mois de juin est particulièrement chargé de ce point de vue : Athènes est censé rembourser 300 millions d'euros vendredi au FMI, puis 340 millions d'euros le 12 juin, 567 millions le 16 juin, et enfin 340 millions le 19 juin. Soit un peu plus de 1,5 milliards d’euros, au moment même où beaucoup se demandent si la Grèce dispose de cet argent. Pour rassurer ses interlocuteurs, Athènes n’a cessé de marteler que le FMI recevrait son argent vendredi. Sauf que jeudi soir, il n’en était plus question.
Un changement de dernière minute. Le gouvernement grec a en effet demandé jeudi soir de remplacer ces quatre échéances par un seul versement, à la fin du mois. "Les autorités grecques ont informé jeudi le Fonds monétaire international (FMI) qu'elles allaient regrouper les quatre échéances de juin en une seule, qui est maintenant celle du 30 juin", a confirmé le porte-parole de l'institution. Un procédé rare, le FMI n’a connu qu’un cas similaire dans son histoire, mais tout à fait légal. Sauf qu’une telle volte-face contribue à détériorer un peu plus l’image d’Athènes et à irriter davantage les membres de la zone euro.
Mais à quoi joue Athènes ? La décision surprise du gouvernement est pourtant très rationnelle. Engagé depuis depuis le début de l’année dans des négociations marathon, Athènes tente de mettre fin aux politiques d’austérité imposées par l’état de ses comptes et ses créanciers. Ces derniers parlent chiffres et réformes ? Athènes répond qu’il veut discuter de politique et estime qu’il faut désormais mener des politiques de relance. Sauf que les marges de manœuvre de la Grèce sont plus qu’étroites : le pays n’a pratiquement plus aucune réserve financière et a absolument besoin de nouveaux prêts. Quant au scénario catastrophe, une faillite de la Grèce suivie d’une sortie de l’euro, Athènes ne peut pas non plus en jouer puisque le pays y perdrait également beaucoup.
Non seulement, le gouvernement Tsipras a peu d’atouts dans sa manche mais le temps joue contre lui : à chaque remboursement, Athènes épuise ses réserves financières et se retrouve un peu plus en position de faiblesse vis-à-vis de ses créanciers, ayant toujours plus besoin de leur argent. En repoussant à la fin du mois les remboursements au FMI, Athènes est donc moins pressé par le temps et peut donc négocier plus librement.
Où en sont les négociations ? Les discussions bloquent toujours sur les réformes que la Grèce devrait mener en échange du déblocage de 7,2 milliards d’euros. Ses créanciers estiment toujours que l’économie grecque ne sera pas viable tant que les retraites n’auront pas été réformées, la TVA ne sera pas augmentée et que les fonctionnaires verront leurs salaires réduits. En face, Athènes préfère mettre en avant une réforme de son administration et de ses services fiscaux, ce que ses créanciers considèrent comme une évidence, et non comme une concession. Le bras-de-fer continue donc, avec son lot de déclarations contradictoires. Et ce n’est probablement pas fini : la Grèce commence à vouloir reparler d’un effacement de sa dette.