Il avait été son premier soutien, dès sa présentation en février. Le président du Medef, Pierre Gattaz, ne tarissait alors pas d'éloges sur la loi El Khomri, estimant qu'il s'agissait-là d'un projet de loi qui allait "dans le bon sens" et appelant le gouvernement à "aller jusqu'au bout" pour "déverrouiller" le marché du travail.
Moins de deux mois plus tard, le discours est bien différent. Dans une interview au Figaro lundi, le patron des patrons "dit stop" au projet de loi, qu'il estime dénaturé. Désormais donc, le texte s'est aliéné la quasi-totalité des partenaires sociaux. Mais les parlementaires pourraient se montrer plus conciliants.
"Folie législative". Selon Pierre Gattaz, la version de la loi El Khomri adoptée en commission des Affaires sociales à l'Assemblée, différente en de nombreux points du texte original, "est un monument de complexité" et relève même d'une "folie législative". "A côté de quelques bonnes mesures, je constate un dévoiement systématique de toutes les idées initiales", regrette Pierre Gattaz. Extension du compte personnel d'activité aux retraités, suppression du plafonnement des indemnités prud'homales et de certaines mesures d'assouplissement du temps de travail, rien, désormais, ne trouve grâce aux yeux du patronat.
" A côté de quelques bonnes mesures, je constate un dévoiement systématique de toutes les idées initiales. "
Un consensus contre le texte. Si taper du poing sur la table est une stratégie classique des partenaires sociaux, ce cri d'orfraie patronal a une résonance particulière. Il illustre en effet la capacité de la loi El Khomri à s'aliéner la quasi-totalité des syndicats. Car si le texte a perdu l'approbation du Medef, il n'en a pas pour autant gagné celle de ses opposants. La CGT, tout comme FO et le syndicat étudiant Unef, appellent toujours au retrait total du texte. Aux côtés de FSU, Solidaires, l'UNL et la FIDL, ces organisations ont d'ores et déjà appelé à une septième journée de manifestation, le 28 avril. La loi Travail fait donc quasiment consensus contre elle, ne s'attirant les bonnes grâces que des syndicats dits réformistes, CFDT, CFTC et CGC chez les salariés et la Fage chez les étudiants.
Emporter l'adhésion des parlementaires. Cela ne signifie pas pour autant que le texte soit condamné. Car les ajustements adoptés par la commission des Affaires sociales, qui a terminé l'examen du projet de loi jeudi dernier, font pencher la réforme à gauche, tout en brossant les petites et moyennes entreprises dans le sens du poil. Des modifications considérées comme un détricotage en règle à droite, mais qui sont de nature à emporter l'adhésion de parlementaires socialistes pourtant nombreux à s'être montrés très sceptiques sur le texte en premier lieu. Ainsi du rapporteur du projet de loi, Christophe Sirugue. Le député PS, qui estimait au début de la semaine dernière que la réforme "méritait encore d'être précisée", est désormais prêt à la voter.
Les membres de la commission "ont apporté de nouvelles protections pour les salariés", s'est réjoui Myriam El Khomri sur Europe 1. Ainsi "enrichi", le projet de loi, qui sera débattu en séance à l'Assemblée nationale à partir du 3 mai, se donne plus de chances de trouver une majorité au Parlement. Et pour l'exécutif, c'est bien là l'essentiel.