Si la loi Travail, adoptée le 21 juillet, a surtout fait parler d’elle pour la réforme des indemnités de licenciement ou encore la plus grande liberté accordée aux entreprises dans le dialogue social, elle va également changer les règles du jeu dans un secteur méconnu et peu encadré : le travail saisonnier. Définition du travail saisonnier, préférence accordée aux saisonniers ayant de l’expérience, expérimentation d’un contrat intermittent : ce secteur pourrait changer de visage, et devenir moins précaire.
Le travail saisonnier est désormais défini. Première nouveauté, et pas des moindres : le travail saisonnier a désormais une définition. Il désigne des "tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en raison du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou des emplois". Cette précision va mettre fin à un flou généralisé qui pouvait porter préjudice à l’employé, mais aussi à l’employeur. "L’absence de définition claire leur fait parfois considérer un pic d’activité comme une activité saisonnière, par exemple dans l’industrie, au risque de se voir condamnés par la justice en cas de contentieux", souligne notamment le site du gouvernement.
Priorité aux saisonniers de l’année précédente. Autre changement de taille : l’instauration d’une reconduction automatique du contrat saisonnier pour les travailleurs déjà présents les années précédentes. En clair, un saisonnier qui a travaillé les quatre derniers étés pour un même employeur est censé être prioritaire à l’embauche la saison prochaine. Ce changement doit offrir un peu plus de stabilité et de prévisibilité à des travailleurs saisonniers de plus en plus nombreux.
Cette réforme va s’appliquer dans une vingtaine de branches professionnelles, qui ont six mois pour se mettre d’accord sur les modalités d’application de cette loi. Si les partenaires sociaux n’arrivent pas s’entendre, l’Etat se chargera alors de définir les paramètres pour prendre en compte l’ancienneté.
Vers un "CDI intermittent" ? La loi Travail tente donc d’apporter un peu de stabilité à des travailleurs saisonniers toujours dans la hantise de ne pas retrouver de mission. Mais cette réforme veut même aller plus loin en expérimentant pendant trois ans un nouveau type de contrat, baptisé CDI intermittent.
Ce type de contrat a été conçu pour apporter plus de sécurité aux saisonniers qui reviennent chaque année effectuer la même mission, à l’image des moniteurs de ski. Plutôt que de les embaucher chaque année, une école de ski peut désormais leur proposer un CDI intermittent : un contrat à durée indéterminée mais pour un travail limité à quelques mois dans l’année et qui se répète d’une année à l’autre. L’obtention d’un tel CDI présente un double avantage : l’employeur peut ainsi fidéliser un travailleur pour plusieurs saisons, tandis que ce dernier dispose d’un contrat très utile pour obtenir un prêt immobilier ou effectuer d’autres démarches.
Comment sont accueillies ces réformes ? Le gouvernement estime que la loi Travail va permettre de "mieux encadrer le travail saisonnier". Les premiers concernés ne se sont pas exprimés sur le sujet, faute de représentants. Quant aux syndicats, ils sont partagés. Si la CFDT, favorable à la loi Travail, y voit une grande avancée, d’autres organisations syndicales sont plus sceptiques. Ces dernières estiment qu’un bon travailleur saisonnier est rappelé de manière quasi-systématique l’année suivante, ce qui limite la portée de la réforme. La CGT, de son côté, met en avant une autre priorité : permettre aux saisonniers de bénéficier d’une prime de précarité, comme c’est le cas pour les CDD et les contrats d’intérim.
Combien de personnes sont potentiellement concernées ? Il n’existe pas de chiffres officiels sur le sujet en raison de la complexité de la tâche. En effet, le travail saisonnier recouvre une multitude de contrats (CDD saisonniers, missions d'intérim, contrats de vendange, etc.) qui complique le décompte. De plus, les chiffres officiels ne décomptent pas le nombre de travailleurs saisonniers mais le nombre de contrats signés. Or de nombreux saisonniers enchaînent plusieurs contrats au cours de l’été, complexifiant un peu plus le calcul.
France Stratégie, organisme de réflexion rattaché à Matignon, a néanmoins publié fin juillet une étude sur le sujet et estime que l’Hexagone compterait entre 500.000 et 700.000 emplois saisonniers. Le site du gouvernement évalue de son côté leur nombre à 1,5 million de personnes. Quant au syndicat CFDT, il avance qu’entre 1 et 2 millions de contrats saisonniers sont signés tous les ans. Au final, on peut considérer qu’environ un million de personnes occupent un emploi saisonnier en France, soit environ 3,5% de la population active.