"C’est la même chose tous les ans, on nous appelle soit pour les prix du pain, soit pour les fermetures". Au téléphone, l’employé de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Patisserie en rirait presque. Sauf que cette année, la situation à Paris est un peu différente des étés précédents : la loi de simplification a fait tomber une obligation historique, datant de 1790, qui obligeait les boulangers français à déclarer leurs congés en préfecture. L’objectif était simple : éviter la pénurie de baguettes dans la capitale.
Un changement de régime qui a affolé les médias britanniques : il serait désormais pratiquement impossible de trouver une bonne baguette à Paris. Des craintes, semble-t-il, un tantinet exagérées par rapport à la réalité.
Des queues devant les boulangeries ? Le 7 et 8 août, plusieurs titres britanniques publient des articles au ton alarmiste. "La France craint une pénurie de pains après que les boulangers ont été autorisés à partir en vacances", titre le Télégraph. "Pourquoi trouver une baguette à Paris sera difficile", lui emboîte The Local. "L’odeur de la baguette flottant dans les rues fait partie intégrante de la vie parisienne. Mais les habitants doivent affronter un vrai cauchemar cet été : une pénurie de pains", écrit carrément le Daily Mail.
Certains n’hésitant pas à illustrer leur article avec des photos de Parisiens faisant la queue devant une boulangerie. Mais, côté déontologie, ce n’est pas vraiment ça, comme l’a repéré Buzzfeed. La photo choisie par le Telegraph date de 2012 et montre en réalité la boulangerie de Sébastien Mauvieux, deux jours après qu’il a remporté le prix de la Meilleure Baguette de Paris.
"Beaucoup ne sont même pas au courant du décret". Si l’iconographie laisse donc à désirer, qu’en est-il du fond de l’affaire ? A en croire, Dominique Anract, le président de la Chambre professionnelle des artisans boulangers de Paris, toute cette histoire est très exagérée. Il dénonce même "un coup médiatique qui ne nous arrange pas trop" et explique : "lorsque nous avons été mis au courant du décret, nous en avons informé les boulangers en leur disant que l’on comptait sur leur professionnalisme pour cet été".
"Il n’y a pas plus de pénurie cette année que les autres années", dit-il encore, "les boulangers s’arrangent entre eux, il y a un doublage et pour tout vous dire, certains ne sont même pas au courant du changement de régime et ont gardé leurs habitudes en restant dans leur groupe, soit juillet soit août".
Le week-end du 15 août, décisif. Reste que cette année, il n’y a aucun chiffre pour étayer cette absence de pénurie puisque les boulangers ne sont plus tenus de déposer leurs dates de congés. Et si la Chambre professionnelle des Boulangers n’a encore reçu aucune plainte de particuliers, il reste un passage plus difficile à négocier : le week-end du 15 août. "C’est vrai que ce sera plus compliqué sur ce week-end", reconnaît Dominique Anract, "mais comme toutes les autres années et sur les 1.060 boulangeries que comptent la capitale, il en restera un bon paquet d’ouvert", promet-il, avant de prédire un très bon chiffre d’affaires à ces boulangeries.