Vendredi à la mi-journée, le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian et son homologue indien Manohar Parrikar doivent graver dans le marbre à New Delhi l'accord intergouvernemental qui encadre la vente de 36 avions Rafale à l'armée indienne de quelque 8 milliards d'euros. La signature marquera l'épilogue d'un feuilleton commercial de longue haleine étalé sur neuf ans, qui a connu son lot de rebondissements.
Pour remplacer des "cercueils volants". C'est la plus importante commande étrangère de l'histoire du Rafale, qui a connu des débuts difficiles à l'exportation, et plus largement de l'aéronautique militaire français. L'arrivée des avions de chasse français devrait soulager en partie l'armée de l'air indienne, qui dénonce de longue date un équipement insuffisant et obsolète. Outre la vieille inimitié avec son frère ennemi pakistanais, l'Inde est confrontée à la montée en puissance et l'affirmation de la Chine sur le continent asiatique. La flotte indienne est pour beaucoup composée d'appareils russes en fin de vie. Leurs fréquents accidents et avaries leur valent d'ailleurs régulièrement le sinistre sobriquet de "cercueils volants".
De 126 avions… à 36. Les premiers Rafale seront livrés fin 2019, la livraison devant s'échelonner sur deux ans et demi. Mais cette commande n'apaisera pas totalement l'armée de l'air indienne qui ne compte qu'une petite trentaine d'escadrons de 18 appareils, là où au moins 42 sont jugés nécessaires. L'achat des 36 Rafale reste par ailleurs modeste en comparaison de ce qui avait été qualifié au départ de "contrat du siècle". La démocratie la plus peuplée du monde avait à l'origine lancé un appel d'offres pour 126 avions de combat - dont 108 assemblés en Inde - pour lesquels elle était entrée en négociations exclusives avec Dassault, le constructeur du Rafale, en 2012. Mais la commande n'avait jamais vu le jour, les Français refusant d'assumer la responsabilité technique (ce que réclamait New Delhi) pour tous les appareils construits en Inde.
Dassault va devoir réinvestir en Inde. Actant de l'impasse des tractations, le nouveau Premier ministre indien Narendra Modi avait annulé l'appel d'offres, annonçant en avril 2015 vouloir acheter directement 36 Rafale prêts à voler et donc fabriqués en France. L'Inde "voulait ces avions vite, car leur technologie de pointe, leurs missiles, peuvent permettre de faire une différence" stratégique, décrypte Nitin A. Gokhale, spécialiste des questions de défense. En contrepartie, Dassault va être cependant contractuellement obligé de réinvestir près de la moitié des sommes perçues dans l'industrie indienne. Le constructeur espère de son côté que ce premier contrat ouvrira la voie à d'autres succès pour le Rafale en Inde, où il pourrait cette fois être fabriqué.