C’était attendu, c’est désormais quasi-officiel : Renault va bien ressusciter la marque Alpine, qui devrait faire son retour sur les routes en 2017. Une manière pour les constructeurs français de tenter de vendre à nouveau du rêve. Car si cela parait risqué et peu rentable, c’est pourtant important.
L'Alpine va bien faire son retour. La nouvelle n’a pas encore été officialisée mais circule déjà en interne : Carlos Ghosn, le PDG de Renault-Nissan, a donné son feu vert définitif à la renaissance de la mythique marque Alpine. L'engagement ferme de relancer Alpine, après 20 ans de sommeil, "nous a été annoncé en comité d'entreprise la semaine dernière", a indiqué le délégué CGT de l'usine de Dieppe, en Seine-Maritime, Patrick Carel.
Une relance de la marque Alpine avait déjà été évoquée fin 2012, avant d’être abandonnée suite au retrait du partenaire de Renault dans ce projet, le britannique Caterham. Mais cette cette fois-ci, c’est la bonne : "il y a des travaux actuellement pour préparer sa fabrication", a précisé le délégué syndical et le magazine Challenges affirme même que Renault a prévu d’y consacrer 600 millions d’euros. Il faut dire qu'il était temps : une version numérique de l'Alpine roule depuis 2013 dans le jeu vidéo Gran Turismo 6 et une version de course fut engagée en compétition lors des 20 heures du Mans 2013. Sans oublier la version concept car présentée dans cette vidéo dès 2012 :
Renault Alpine A110-50 en pistepar leblogauto
Une nouvelle version annoncée pour 2017. La mise au point de la nouvelle Alpine va même être menée tambour battant puisque le modèle de série devrait être présenté sous sa forme définitive en 2016 et commercialisé l'année suivante. Un prototype préfigurant le modèle de série pourrait même être présenté en marge des 24 Heures du Mans, à la mi-juin, croit savoir Challenges.
>> La version A610 de l'Alpine commercialisée en 1991 :
Un pari risqué pour une marque française ? S’il est fréquent de voir des marques allemandes proposer des modèles sportifs et légers, c’est beaucoup moins le cas du côté des constructeurs automobiles français. L’Alpine version 1995 est d’ailleurs la dernière "voiture plaisir" à avoir été commercialisée par un constructeur français, catégorie dans laquelle on peut potentiellement inclure également la Peugeot 406 Coupé Pininfarina.
Les constructeurs français ont délaissé ce segment depuis longtemps. Un marché dominé par le trio BMW-Audi-Mercedes : en dehors des inaccessibles Ferrari ou Lamborghini, la R8 d’Audi, la Mercedes AMG GT et la BMW M6 Coupé monopolisent ce secteur en Europe. Quand on connait les difficultés des Français à vendre des berlines haut de gamme, on peut s’interroger sur la viabilité du projet Alpine, qui s’adresse à un public encore plus restreint. Mais l’essentiel est probablement ailleurs.
De l’importance de vendre du rêve. En effet, avec sa "berlinette du XXIe siècle", Renault ne cherche probablement pas seulement à vendre ses voitures : l’objectif est aussi, voire surtout, de muscler l’image de la marque. Car même s’il se vend peu, un modèle qui fait que les passants se retournent dans la rue vaut toutes les campagnes de publicité.
Une dimension symbolique que d’autres marques ont bien compris : si Fiat a totalement délaissé le secteur des sportives, il imprime encore une image de marque avec la 4C Spider produite par sa filiale Alfa Romeo. Une stratégie également suivie par Ford, qui a décidé de commercialiser en Europe la Mustang. Ce modèle boxe dans une catégorie inférieure, hormis pour la déclinaison GT, mais le blason du constructeur en ressort redorée. A l’inverse, les marques qui ne produisent aucun modèle marquant les esprits pâtissent d’une image un peu trop terne, comme c’est le cas d’Opel, Kia ou encore Mazda.
Le groupe PSA, de son côté, a maintenu la tradition du coupé sportif avec la RCZ. Mais il s’agit d’un modèle bien plus modeste et on peut se demander s'il ne manque pas chez Peugeot un modèle comme la 406 Coupé Pininfarina. D’ailleurs, le dernier concept-car du constructeur, le SR1, y ressemble étrangement : une commercialisation d’un tel coupé parachèverait le changement d’image des marques françaises, auxquelles on reproche d’être trop sages et axées sur le milieu de gamme. Or, le nouveau PDG du groupe Carlos Tavares est justement l’un de ceux qui ont le plus milité, lorsqu’il était encore chez Renault, pour relancer la marque Alpine. Et s’il décidait de rééditer cette stratégie chez PSA ?