Le casse-tête du compte pénibilité est pratiquement résolu : après des mois de tergiversations et de polémiques sur sa supposée complexité, le gouvernement a tranché. Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé mardi que le compte pénibilité entrera pleinement en application le 1er juillet 2016. Un report de six mois qui s'accompagne d'un autre aménagement : une simplification du dispositif pour le rendre acceptable au regard des employeurs.
"Avec ces mesures fortes et immédiates, le gouvernement répond aux principales inquiétudes des entreprises par une profonde simplification et sécurisation du dispositif, sans remettre en cause les nouveaux droits créés pour les salariés concernés par des situations de travail pénibles", a résumé le Premier ministre dans son "message de confiance aux chefs d'entreprise".
Un aménagement pour ne froisser personne. Pressé de revoir sa copie par le patronat, qui juge cette réforme trop complexe à appliquer, le gouvernement ne pouvait pas non plus trop l'alléger, au risque de se mettre les syndicats à dos. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a ainsi prévenu mardi matin sur Europe 1 : le compte pénibilité ne doit pas être détricoté et si sa mise en place "devait être reculée après 2016, c'est un casus belli pour la CFDT, c'est-à-dire que nous défendrons dans la rue ce compte pénibilité qui est une avancée sociale".
Manuel Valls a donc tenté de ménager tout le monde : la réforme sera bien reportée, comme le demandait le patronat, mais seulement de six mois pour ne pas froisser les syndicats. Quant à la simplification du dispositif, elle aura bien lieu mais les syndicats auront un droit de regard puisque ce sont les partenaires sociaux qui devront l'effectuer en réalisant des fiches sur la pénibilité de chaque métier.
Qu'est-ce que le compte pénibilité ? Parce qu’un ouvrier du bâtiment et une secrétaire n’arrivent pas dans le même état de santé à la retraite, le gouvernement a décidé d’instaurer le compte pénibilité : un relevé de tâches dangereuses ou usantes qui doit permettre à ceux qui y sont le plus exposés de partir à la retraite plus tôt.
Sauf que pour mesurer la pénibilité de chaque métier, l’employeur était censé effectuer un suivi personnalisé : identifier pour chaque salarié les facteurs de pénibilité (températures extrêmes, port de charges lourdes, travail de nuit, etc.) et la durée d’exposition à ceux-ci. Bien trop fastidieux et compliqué aux yeux du patronat, un message que le gouvernement n’a pu ignorer au moment où il mettait en avant son choc de simplification. Face à cette bronca, le gouvernement a donc confié au député Christophe Sirugue et au chef d’entreprise Gérard Huot la mission de réaliser un rapport sur le sujet. Il a été remis mardi et a inspiré les aménagements annoncés par Manuel Valls.
Que changent les annonces du gouvernement ? En résumé, le Premier ministre a décidé de simplifier le dispositif et de repousser son entrée en application de six mois. Côté simplification, le gouvernement a entendu les critiques des employeurs : exit le calcul de la pénibilité pour chaque poste et chaque employé, l'employeur pourra dans la plupart des cas reprendre un "référentiel", une fiche type résumant les principaux niveaux de pénibilités pour chaque métier.
L'employeur n'aurait "plus de mesures individuelles à accomplir" lorsqu'il pourra disposer d'un "référentiel" de branche, a souligné Manuel Valls. La fiche individuelle, décriée par le patronat, perd ainsi son caractère obligatoire. Pour évaluer l'exposition de ses salariés, l'employeur "pourra donc se contenter d'appliquer le référentiel de sa branche qui identifiera quels postes, quels métiers ou quelles situations de travail sont exposés aux facteurs de pénibilité. Il n'aura plus, pour ces facteurs, de mesures individuelles à accomplir". De plus, "ce ne sont plus les employeurs qui vont établir les fiches individuelles d'exposition, mais les caisses de retraite qui le feront à la place et transmettront aux salariés", a précisé Manuel Valls.
En ce qui concerne les délais, le gouvernement a décidé de reporter de six mois l'entrée en application, au 1er juillet 2016. Il faut dire que la rédaction des fiches métier n'a pas encore débuté et se fera branche par branche. Les négociations s'annoncent donc longues, ce que justifie aux yeux du gouvernement un report.
Une entrée en application progressive
Les quatre critères appliqués depuis le 1er janvier 2015 :
- le travail de nuit
- le travail en équipes successives alternantes
- le travail répétitif
- le travail sous pression hyperbare
Les six critères appliqués à partir du 1er janvier 2016 :
- la manutention manuelle de charges
- les postures pénibles, forçant les articulations
- les vibrations mécaniques
- les agents chimiques dangereux (y compris poussières et fumées)
- les températures extrêmes
- le bruit