Ce n’est pas une surprise mais c’est désormais quasi officiel : le compte pénibilité sera bien fortement simplifié pour éviter qu’il ne devienne l'usine à gaz annoncée. Sa première version avait provoqué une levée de bouclier côté patronat, ce dernier estimant ce système trop complexe, voire inapplicable. Le gouvernement a donc demandé un rapport sur le sujet et ce dernier est sans ambiguïté : lui aussi prône une simplification du dispositif. Certains ajustements sont d’ailleurs déjà en préparation.
Un dispositif malmené dès sa création. Parce qu’un ouvrier du bâtiment et une secrétaire n’arrivent pas dans le même état de santé à la retraite, le gouvernement a décidé d’instaurer le compte pénibilité : un relevé de tâches dangereuses ou usantes qui doit permettre à ceux qui y sont le plus exposés de partir à la retraite plus tôt.
Sauf que pour mesurer la pénibilité de chaque métier, l’employeur était censé effectuer un suivi personnalisé : identifier pour chaque salarié les facteurs de pénibilité (températures extrêmes, port de charges lourdes, travail de nuit, etc.) et la durée d’exposition à ceux-ci. Bien trop fastidieux et compliqué aux yeux du patronat, un message que le gouvernement n’a pu ignorer au moment où il mettait en avant son choc de simplification.
Face à cette bronca, le gouvernement a donc confié au député Christophe Sirugue et au chef d’entreprise Gérard Huot la mission de réaliser un rapport sur le sujet. Un document qui sera remis au gouvernement mardi, avant que ce dernier s’en inspire pour faire évoluer le compte pénibilité.
Vers un compte pénibilité 2.0. Pour les auteurs du rapport, la sortie de crise doit passer par une réforme du dispositif : exit le principe d’un suivi individuel, place à une fiche métiers. Concrètement, l'employeur ne devra pas comptabiliser tous les jours le nombre d'heures pendant lesquelles son salarié est dans une posture pénible, ou encore exposé au bruit ou à des températures extrêmes. A la place, le chef d'entreprise pourra se référer à une fiche par métiers, un mode d’emploi qui résume les facteurs de pénibilité et les degrés d’exposition pour chaque poste. A partir de ce document, l’employeur calculera le nombre de points acquis par ses salariés, le tout résumé dans une déclaration faite chaque année.
Le calendrier sera-t-il respecté ? Sur le papier, la simplification est en marche mais dans les faits, cela risque de prendre un peu plus de temps. En effet, ce sont les branches professionnelles qui vont devoir définir la pénibilité par métier, ce qui suppose que syndicats et patronat se mettent d'accord. Une négociation qui risque de prendre du temps, alors que la tâche est immense : rien que dans le bâtiment, il y a plus de 200 modes d'emploi à rédiger. Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), demande donc au gouvernement de reporter d'un an la date d'application prévue par la loi.
Un aménagement de plus que le gouvernement hésite à accorder, privilégiant un entre-deux : peu importe que la mise au point des fiches métiers prenne du retard tant que l’application de cette réforme est rétroactive. Même si la mise au point des fiches métiers prend du retard, le salarié concerné bénéficierait donc de ses effets à partir du 1er janvier 2016. Si la réforme arrive à son terme, ce dernier recevra une fois par an le nombre de points cumulés et pourra contester ce décompte en cas de désaccord.
Une entrée en application progressive
Les quatre critères appliqués depuis le 1er janvier 2015 :
- le travail de nuit
- le travail en équipes successives alternantes
- le travail répétitif
- le travail sous pression hyperbare
Les six critères appliqués à partir du 1er janvier 2016 :
- la manutention manuelle de charges
- les postures pénibles, forçant les articulations
- les vibrations mécaniques
- les agents chimiques dangereux (y compris poussières et fumées)
- les températures extrêmes
- le bruit