Muriel Pénicaud ouvre vendredi la concertation sur la réforme de l’apprentissage. Objectif : renforcer l’attractivité de l’apprentissage pour les employeurs et les jeunes.
Après l’assurance-chômage, le gouvernement ouvre le deuxième volet de son triptyque de réformes sociales. La ministre du Travail Muriel Pénicaud entame vendredi la concertation avec les partenaires sociaux sur l’apprentissage, en compagnie de ses collègues de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer et de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal. Le gouvernement veut renforcer la place de l’apprentissage dans les formations secondaires et supérieures et s’en servir comme rampe de lancement pour la lutte contre le chômage des jeunes.
"Libérer" les blocages de l’apprentissage. "Aujourd'hui, on a 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni en emploi, ni en apprentissage. Les pays qui ont vaincu le chômage de masse des jeunes, ce sont des pays qui ont un apprentissage d'excellence", a relevé Muriel Pénicaud mardi au micro de Patrick Cohen dans Europe Matin. Pour la ministre, la France doit opérer "une révolution copernicienne sur l’apprentissage", comme elle l’expliquait au JDD.
"Il y a plein de verrous qui expliquent pourquoi on n'arrive pas à faire de l'apprentissage une grande voie de réussite en complément de l'Education nationale, avec des passerelles entre les deux", a-t-elle déploré sur Europe 1, tout en se montrant confiante sur le travail engagé. "Il y a des blocages de tous ordres, on les a bien identifiés." Et la ministre a défini une feuille de route très claire pour se débarrasser des blocages : "libérer l’apprentissage des réglementations administratives qui brident l’offre de formation, pour former plus de jeunes en alternance".
Mieux informer les jeunes. Cette "libération" s’articule autour de quatre axes. D’abord l’orientation, pour rendre l’apprentissage plus attractif. Le gouvernement mise sur la transparence avec les jeunes et les familles dans l’information qui leur est fournie. Les familles auront désormais accès plus clairement aux résultats des formations, des lycées professionnels et des centres de formation des apprentis (CFA) en termes de débouchés professionnels. Les formations en apprentissage seraient également soumises, comme la formation continue, à une labellisation indépendante.
Des formations plus proches de la réalité de l’emploi. L’attractivité passe aussi par des diplômes plus en prise avec la réalité du monde du travail. Pour rapprocher les formations des besoins des entreprises, les branches professionnelles seraient associées à l’élaboration des contenus pédagogiques. Lors de sa campagne, Emmanuel Macron souhaitait, en outre, développer des filières mixtes, c’est-à-dire donner le choix entre la filière classique ou l’apprentissage pour préparer tous les diplômes jusqu’au bac professionnel. Cela passerait également par un développement des filières en apprentissage dans les lycées professionnels.
Ces changements doivent permettre de former les jeunes aux métiers qui recrutent. En effet, le taux moyen d’emploi après une formation en apprentissage est de 65%. Un chiffre positif mais qui laisse une belle marge d’amélioration. D’autant que l’insertion dépend encore fortement du niveau de qualification. Alors qu’un diplômé de master en alternance ou de BTS trouve un emploi dans 80% des cas, ce taux tombe à 59% pour ceux qui s’arrêtent au CAP. Certaines filières font le plein, comme la coiffure ou encore la pâtisserie et la boulangerie, mais n’assurent pas toujours un travail à la sortie des études. Inversement, les métiers de la métallurgie par exemple, n’attirent pas alors que les recruteurs sont demandeurs.
Simplifier le financement. Troisième axe : un financement plus "réactif". L’ambition du gouvernement est d’unifier les multiples subventions existantes. L’aide unique serait modulée en fonction de la taille de l’entreprise et du niveau de qualification visé par la formation en apprentissage. La grille de rémunération des apprentis serait, elle aussi, unifiée, mais pourrait être revalorisée dans les branches. Lors des premières rencontres avec Emmanuel Macron, certains représentants syndicaux avaient proposé que les grands groupes financent plus le système d’apprentissage.
Enfin, la valorisation de l’apprentissage doit passer par une réinvention du statut de l’apprenti et son accompagnement. Début octobre, Jean-Claude Mailly avait "insisté sur le statut du maître d'apprentissage, du tuteur, qui n'est pas assez valorisé aujourd'hui". En revanche, le gouvernement a d’ores et déjà renoncé à la fusion, un temps envisagée, des contrats d’apprentissage (formation initiale) et de professionnalisation (formation continue) pour créer un contrat d’alternance unique. Une différenciation qui conduit à des confusions au niveau des familles et entraîne une différenciation en entreprises, les apprentis étant souvent moins bien rémunérés.
Beaucoup d’acteurs impliqués. Voilà les pistes que Muriel Pénicaud et ses collègues discuteront avec les partenaires sociaux dans les semaines qui viennent. Les négociations ne seront pas évidentes car des intérêts divergents s’affrontent. Les syndicats plaident pour garder la main sur le contenu des diplômes au niveau des branches et réclament une meilleure protection des jeunes apprentis ainsi qu’un effort financier des employeurs. Demandes qui ne correspondent pas réellement à celles du patronat, qui veut être en première ligne sur la gestion des filières et demande des contrats plus flexibles. Au milieu de tout ce monde, les régions, acteur essentiel de l’apprentissage, veulent être les maîtres d’œuvre, estimant être les mieux placées pour insérer les apprentis dans leur bassin d’emploi.