Depuis le 12 janvier, Air France fait voler deux avions A320 embarquant une borne wifi. L’un parcourt l’Europe tandis que l’autre reste cantonné à la France et, dans les deux cas, le bilan est positif : si le débit sortant est encore faible, la vitesse de téléchargement a convaincu les voyageurs qui l’ont testé. Mais quand cette offre sera-t-elle généralisée à tous les avions Air France ? Combien cela coûtera-t-il ? Et où en est la SCNF, qui planche elle aussi sur ce dossier ? Tour d’horizon d’un secteur dans lequel les compagnies françaises ont une longueur de retard sur la concurrence.
Le wifi en voyage, c’est pour quand ? Air France prévoit un déploiement en deux temps. Tous ses avions long-courriers seront équipés d’ici 2020, tandis que les vols "moyen et long courriers" devront attendre un peu plus. Ce qui, au passage, montre qu’Air France est en retard en la matière. La plupart des avions sont déjà équipés aux Etats-Unis, tout comme les appareils long-courriers livrés récemment aux Etats d’Asie et de la péninsule arabique. L’Europe est donc à la traîne, et la compagnie française encore plus : certains avions de la compagnie Vueling proposent le wifi depuis l’été 2015, tandis que Lufthansa et Ryanair devraient faire de même à l’été 2016.
La SNCF estime de son côté que le Wifi ne sera pas disponible avant 2017 et d’abord dans les seuls TGV. "En 2017, vous allez commencer à avoir ça", a assuré mi-janvier la directrice générale de la SNCF Voyageurs Barbara Dalibard. Reste à savoir si ce délai sera respecté : jusqu’à présent, le PDG de la SNCF prévoyait un déploiement du wifi à la fin 2016. Seule certitude, la ligne Paris-Lyon sera la première équipée, dixit la SNCF.
Un accès internet à quel prix ? Rien n’est encore arrêté, mais Air France a donné une indication avec ses deux avions-test : l’accès au Wifi y est facturé 5 euros par vol en France et 10 euros si le vol se déroule en Europe. Si Air France restait sur cette ligne, la compagnie se positionnerait en-dessous de la concurrence : en général, ce service est facturé 10 euros de l’heure et entre 15 et 20 euros la journée. Mais certains ont fait le choix de rendre le Wifi gratuit : Turkish Airlines et Qantas le font pour leur classe affaires, Fly Emirates offre les dix premiers Mo à tous ses clients tandis que le scandinave SAS l’offre aux titulaires des cartes de fidélité premium.
Du côté de la SNCF, il est en revanche trop tôt pour parler de tarif. Mais on connait les tarifs pratiqués par ses concurrents. Certains ont fait le choix de la gratuité, soit pour la seule première classe (Thalys, Virgin Trains), soit pour l’ensemble des voyageurs (en Italie et en Suède). Dans les autres cas, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni, il faut compter en moyenne 5 euros l’heure de connexion et entre 10 et 20 euros pour toute la durée du voyage.
Un défi technique. Si les compagnies françaises ont tant attendu pour équiper leurs appareils, c’est notamment parce que la technologie n’est pas encore au point. Le cas de la SNCF l’illustre bien : la compagnie ferroviaire a effectué dès 2003 des premiers tests qui ne furent visiblement pas convaincants, et d’autres essais furent réalisés en 2010, sans plus de succès. La SNCF a néanmoins une excuse : ses TGV circulent plus vite que la concurrence et ont plus de mal à rester connecté au réseau, ce qui nécessite de déployer une autre technologie.
Air France a également tâtonné, puisqu’elle annonçait en 2013 une série de premiers tests dont les résultats n’ont jamais été rendus publics, avant de mettre ce dossier entre parenthèses.
Une installation qui coûte cher, très cher. Les difficultés techniques ne sont les seules à freiner les compagnies de transports. L’aspect financier constitue aussi un obstacle de taille. Côté SNCF, on estime qu’équiper une rame de TGV d’une borne wifi coûte environ 350.000 euros.
Air France n’a, de son côté, pas souhaité communiquer le coût d’une telle installation, mais plusieurs chiffres circulent. Installer un réseau wifi connecté par satellite coûterait 500.000 dollars (457.000 euros), tandis qu’un réseau connecté aux antennes-relais situées au sol coûterait 100.000 dollars (91.000 dollars), selon les chiffres avancés par le site spécialisé dans les nouvelles technologies Clubic.
Ce n’est pourtant pas l’équipement en lui-même qui coûte le plus cher mais son installation : l’immobilisation d’un avion ou d’un train représente un manque à gagner encore plus élevé pour les compagnies de transport. Équiper un avion nécessiterait ainsi dix jours, une période pendant laquelle l’appareil coûte de l’argent mais ne rapporte rien à la compagnie.
Et qui ne séduit pas toujours les voyageurs. Dernier détail qui a son importance : si les voyageurs se disent dans leur majorité intéressés par un accès au réseau wifi, seule une minorité est prête à payer pour un tel service. Et à condition que ce dernier soit de qualité.
La SNCF en est bien consciente : fin 2010, elle expérimentait une Box TGV permettant d’accéder à internet par satellite. Un pari qui n’a pas été payant : "cela ne s'est pas révélé pertinent, ni d'un point de vue technique, ni d'un point de vue commercial", a confié le patron du groupe, avant de reconnaitre que "vu des clients, c'était quand même ‘super bof’".
Et même si le service est de qualité, le succès n’est pas toujours au rendez-vous car il faut qu’au moins 20% des voyageurs prennent l’option Wifi pour que le transporteur rentabilise son investissement. Or, on en est pour l’instant loin, comme le souligne Clubic, qui s’est penché sur l’exemple américain : alors que l’accès au Wifi en avion y est généralisé - 86% des avions sont équipés -, seuls 8% des voyageurs l’utilisent.