Ils sont les premiers concernés par l'utilisation des pesticides. Les plus exposés à leurs dangers, aussi. Comment les agriculteurs peuvent-ils se passer de ces produits, dont l'utilisation est de plus en plus critiquée dans l'opinion publique en France ? Les spécialistes de cette question en ont débattu autour de Wendy Bouchard sur Europe 1, jeudi.
Utiliser des pesticides, "ça ne fait plaisir à aucun agriculteur". Premier constat : l'utilisation des pesticides, comme les fongicides ou les insecticides, a augmenté de 15% en France, entre 2014 et 2017. Le milieu agricole serait-il toujours très friand de ces produits ? "Ça ne fait plaisir à aucun agriculteur d'utiliser les pesticides", rétorque Christine Riba, paysanne dans la Drôme et secrétaire nationale de la Confédération paysanne, chargée des pesticides. "Beaucoup se posent la question d'en sortir."
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Des subventions conditionnées à l'utilisation de pesticides ? Sauf que les exploitants sont, selon elle, "coincés" : "Hormis ceux qui sont sur des petites structures, les agriculteurs sont pris dans un système, endettés jusqu'au cou et conseillés par leurs coopératives qui n'ont plus rien de coopératif." "Le système consiste à vendre aux agriculteurs la semence, l'engrais (car la terre crève) et les pesticides (fongicides, raticides)", abonde Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, et créatrice de l’association "Justice Pesticides" pour conseiller et regrouper tous ceux qui s'estiment victimes de pesticides.
"Pour obtenir les subventions [de l'Union européenne], vous devez passez par un système monté par les coopératives qui reposent sur ce système. Vous ne pouvez pas demander à un agriculteur de s'abstraire de cela sans lui donner la solution de substitution, car il n'y a plus de subventions", ajoute-t-elle.
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Pour Christine Riba, il faut "sortir des pesticides mais avec un accompagnement des paysans". "On n'y arrivera pas si on dit juste 'il faut sortir des pesticides'. On parle une langue nouvelle, parce que les paysans ont toujours été conseillés pour utiliser tel produit, en perte totale d'autonomie. "Il faut repenser tout le système et s'attarder sur les trois ans entre le moment où une exploitation se met au bio et au moment où elle a le droit de vendre bio", pointe quant à elle Corinne Lepage.
"Un retour aux années 1950" sans les pesticides. Tout se résumerait donc à une question d'accompagnement ? Pas forcément, pour Olivier, agriculteur près de Chartres, dans l'Eure-et-Loir, et auditeur d'Europe 1. Selon lui, "on est sur un marché mondialisé. Si on revient aux solutions que vous proposez [la sortie des pesticides], on va revenir à la situation des années 1950. Dans les années 1950, on faisait travailler les enfants pour arracher les mauvaises herbes." Les pesticides permettraient donc un gain de temps, largement bénéfique aux agriculteurs. Difficile, donc, d'en sortir, à moins de passer par "une mise à plat de la Politique agricole commune", comme le souhaite Corinne Lepage.